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Quand la négligence devient un crime

Dans la vie de tous les jours, nous utilisons de nombreuses expressions et une multitude de mots dont on ne questionne plus le sens tellement nous les maîtrisons. Dans le jargon juridique, certains de ces mots peuvent parfois avoir un sens différent, une définition différente. C’est le cas de la négligence criminelle, qui a sa définition bien précise, lorsqu’il est question du chef d’accusation criminelle.


En sports, on dira de l’équipe qui a le moins de chance de remporter un match ou un tournoi qu’elle est « l’équipe négligée ». Quelqu’un dont la présentation n’est pas soignée? Qu’il a une « apparence négligée ». Qui n’est pas à son affaire? Qu’il est « négligent ». Au palais de justice, toutefois, ce terme revêt un caractère tout particulier.



Négligence criminelle ou civile?


Pour qu’une action ou une omission d’agir mène à une accusation de négligence criminelle, il faut que la personne ayant agi ou omis d’agir « montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui ». Rappelons-nous que la témérité est un excès, et donc un défaut, un vice. Ça n’a rien de positif, bien que dans le langage populaire, la témérité soit parfois utilisée comme synonyme de courage. De fait, c’est un excès de courage, qui peut parfois mettre quelqu’un en danger. Le dictionnaire Larousse en parlera comme d’une « hardiesse inconsidérée qui conduit à commettre des actes aux conséquences graves ».


Il faut aussi faire la distinction entre la négligence criminelle et la négligence civile. Un exemple de négligence civile pourrait être celui d’un propriétaire qui aurait négligé l’entretien d’un muret qui se serait effondré, causant des dommages à la cour d’un voisin. Quant à la négligence criminelle causant la mort ou causant des lésions corporelles, il faut – au-delà de l’état d’esprit négligent, téméraire ou déréglé de l’accusé – que le lien de causalité entre l’infraction et la mort ou les lésions corporelles à autrui soit établi. D’ailleurs, la négligence criminelle peut non seulement être due à un geste posé ou à une action, mais aussi à l’omission d’une action nécessaire, d’un devoir, d’une obligation imposée par la loi.


Quant à la peine encourue, elle peut aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité, dans le cas de l’accusation de négligence criminelle causant la mort (Code criminel, article 220). S’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, la peine maximale est la même, mais l’accusé devient passible d’un minimum de quatre ans de pénitencier.

Dans le cas d’accusation de négligence criminelle causant des lésions corporelles (Code criminel, article 221), une personne reconnue coupable est passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.



Une bonne intention, un mauvais comportement


Parmi les cas d’« insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui » considérés par les tribunaux, on se rappellera notamment du procès de la conductrice qui s’est arrêtée pour protéger des canards qu’elle estimait en danger. Ce dossier a été particulièrement médiatisé il y a quelques années.


Revenons sur les faits : En juin 2010, la dame immobilise son véhicule dans la voie de gauche de l’autoroute 30, près de Candiac, pour venir en aide à des canards qui se trouvent sur le terre-plein central. L’immobilisation de son véhicule à cet endroit cause alors une collision qui s’avérera mortelle pour un père et sa fille dont la moto a embouti le véhicule de la conductrice. Cette dernière a été accusée de deux chefs de négligence criminelle causant la mort et de deux autres de conduite dangereuse causant la mort, des accusations pour lesquelles elle a été reconnue coupable. Afin de respecter la règle voulant qu’on ne peut être sanctionné deux fois pour une même action, la peine a toutefois été prononcée seulement en rapport avec les chefs d’accusation de négligence criminelle.


La conductrice fautive a bien tenté de démontrer qu’elle n’avait pas l’intention de tuer ou blesser quiconque, le geste posé pèse ici plus lourd que l’intention. Le jugement de la Cour d’appel est d’ailleurs clair sur l’infraction de négligence criminelle :


« la poursuite n’a pas à démontrer que l’appelant avait l’intention de tuer ou de causer des lésions corporelles. Il lui suffisait d’établir hors de tout doute raisonnable que la façon d’agir de [la conductrice], dans les circonstances propres de l’affaire, démontre une insouciance déréglée et téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Il doit être prouvé hors de tout doute raisonnable que cette façon de faire de l’appelant constitue un écart marqué et substantiel par rapport à la façon dont se serait comportée une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.


Cet écart marqué et substantiel du comportement qu’aurait eu l’appelant par rapport au comportement d’une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances peut être prouvé en démontrant, - soit [qu’il] était conscient du danger ou du risque que son comportement impliquait pour la vie et la sécurité d’autrui, mais l’a exécuté quand même, - soit [qu’il] n’a pas pris soin de penser que son comportement faisait en sorte qu’un tel risque existait. »



D’autres cas de négligence criminelle


Les cas de négligence criminelle peuvent être de nature très diverse.

Il y a aussi le cas d’une mère de Calgary reconnue coupable de négligence criminelle pour avoir causé la mort de son fils malade. Elle avait décidé de soigner son fils atteint d’une infection bactérienne selon des méthodes alternatives. Dans ce cas, la poursuite a prouvé que la mère avait ainsi montré une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité de son fils.


Plus récemment, un homme de Longueuil était reconnu coupable de négligence criminelle pour ne pas s’être assuré que ses chiens ne constituaient pas une menace pour autrui. Ceux-ci avaient attaqué une fillette de 7 ans dans un parc, lui causant des blessures qui l’ont défigurée. Il lui a été reproché de ne pas avoir gardé ses chiens en laisse ou s’être assuré qu’ils ne pouvaient s’enfuir.


En 2014, à Drummondville, trois personnes accusées de négligence criminelle ayant causé la mort d’une femme lors d’une séance de sudation ont eu un procès médiatisé. La méthode prétendument thérapeutique consistait à envelopper la personne de boue, puis d’une pellicule de plastique. Sa tête était aussi mise dans une boite de carton. Lors d’un traitement, une femme avait trouvé la mort. Le procureur a démontré que les accusés avaient agi avec une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.


Un autre exemple est celui des textos au volant. Le conducteur qui texte au volant est passible d’un constat d’infraction, mais dès lors que cela cause des blessures ou la mort d’autrui, cette infraction peut conduire à un chef d’accusation de négligence criminelle, notamment le cas d’un homme qui écrivait des messages textes en roulant à 120 km/h dans une zone où le maximum est fixé à 90 km/h. La témérité du conducteur, dont la conduite aura causé une collision avec une motocycliste – collision menant à l’amputation d’une de ses jambes – lui aura valu une peine d’emprisonnement.


Dans certains cas, il arrive aussi que des employeurs soient aussi accusés de négligence criminelle, notamment lorsque la sécurité de leurs employés est compromise. Des accusations de négligence criminelle causant la mort ont notamment été portées contre une entreprise de construction pour avoir négligé l’entretien de ses véhicules, dont les freins, lorsque cette négligence a mené à la mort du conducteur.

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