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Coulisses du palais - Entretien avec Me Jean-Philippe MacKay


On l’a vu dans le dernier épisode des Coulisses du palais : la requête en exclusion de la preuve (requête de Charte) est un moyen de défense qui peut être utilisé par un accusé, notamment lorsqu'il estime que les policiers ont enfreint une ou des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés en l’arrêtant.

 

Question: La possession d'une arme à feu par l'accusé, lors de son arrestation, est au cœur des échanges dans le dernier épisode des Coulisses du palais. Les dossiers de cour impliquant des armes à feu sont-ils nombreux au palais de justice de Montréal?

Me Jean-Philippe MacKay: Les infractions relatives à la possession ou à l’utilisation d’armes à feu se retrouvent évidemment dans toutes les régions du Québec, mais la région métropolitaine de Montréal est particulièrement affectée par celles-ci. On remarque d’ailleurs, depuis quelques mois, une augmentation du nombre d’événements impliquant des armes à feu. Cette réalité se répercute nécessairement sur le travail des procureurs dans notre district.

Le sac de l'accusé contenait une arme à feu.

Q: Est-ce que les requêtes en exclusion de la preuve présentées en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés sont fréquentes?

JPM: Il s’agit d’une procédure qui est disponible pour toute personne accusée d’un crime devant nos tribunaux et qui estime que ses droits n’ont pas été respectés par les policiers. Ces requêtes sont fréquentes, particulièrement dans les dossiers qui me sont attribués à titre de procureur au sein de l’équipe « criminalité organisée et gangs de rue » au bureau du DPCP à Montréal. Ces dossiers impliquent diverses méthodes d’enquête qui peuvent toutes faire l’objet d’une contestation en vertu de la Charte.

L'honorable Mélanie Hébert. juge à la Cour du Québec

Est-ce que le juge doit toujours entendre ce type de requête ou peut-il la rejeter d’emblée, après avoir pris connaissance des motifs invoqués par l’accusé?

Le juge du procès possède un large pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser d'entendre une requête s'il considère que celle-ci ne présente aucune chance raisonnable de succès. Le juge peut également accorder une requête en rejet présentée par la poursuite, ce qui fera en sorte qu'il ne se prononcera pas sur la requête de la défense. Cependant, ces situations se présentent rarement et, en règle générale, les juges entendent ce type de requête et rendent jugement après avoir entendu et évalué les arguments présentés par les parties.

La requête en exclusion de la preuve est-elle, dans le cas présenté dans l’épisode des Coulisses du palais, la seule défense de l’accusé?

Dans ce dossier, c’est effectivement le seul moyen présenté par l’accusé pour se défendre contre l’accusation. Puisque l’accusé était manifestement en possession de cette arme à feu au moment de son arrestation, il a tenté de la faire exclure par le biais de cette requête, sans succès.

La Charte canadienne des droits et libertés

Est-ce que ce type de requête fait l’objet de procédures indépendantes du procès?

En règle générale, la requête en exclusion de la preuve est présentée au juge du procès. Le juge ouvre à ce moment ce que nous appelons un voir-dire, soit une instance distincte pendant laquelle le juge examine l’admissibilité d’un élément de preuve qu’une partie désire déposer dans le cadre du procès.

Lors d’un voir-dire tenu en lien avec une requête en vertu de la Charte, une preuve est administrée par l’une ou l’autre des parties en fonction des fardeaux applicables. Les avocats présentent ensuite leurs arguments et le juge tranche les questions en litige relativement aux droits qui sont invoqués par l’accusé.

Sauf si les parties y consentent, la preuve entendue dans le cadre du voir-dire ne fait pas partie de la preuve dans le cadre du procès. Dans le cas de l’accusé de ce procès, après le rejet de la requête par le tribunal, les parties ont accepté que la preuve soit versée dans le procès. L’accusé n’a présenté aucune défense supplémentaire et la juge l’a déclaré coupable des infractions qui pesaient contre lui.

En d’autres circonstances, il arrive que le rejet d’une requête ne scelle pas l’issue du procès, ce qui implique que la poursuite doit administrer une preuve supplémentaire pour se décharger de son fardeau de prouver tous les éléments essentiels des infractions reprochées hors de tout doute raisonnable. Dans ce scénario, l’accusé peut quant à lui présenter un moyen de défense concernant l’un des éléments essentiels de l’infraction afin de tenter de soulever un doute raisonnable dans l’esprit du juge.

Comme la version des policiers et celle de l’accusé diffèrent, la notion de crédibilité des témoignages entre en jeu. De quelle façon la poursuite peut s'y prendre pour miner la crédibilité d'un accusé, dans un tel dossier?

Tout témoin qui est entendu dans le cadre d’une procédure criminelle peut se faire contre-interroger par la partie adverse. C’est là un outil précieux dans notre système de justice criminelle qui permet de mettre à l’épreuve la version d’un témoin afin d’aider le tribunal dans sa quête de la vérité.

Me Jean-Philippe MacKay, procureur aux poursuites criminelles et pénales

Lorsqu’un accusé témoigne dans le cadre d’un voir-dire ou lors du procès sur le fond, la poursuite dispose de plusieurs moyens pour tenter d’attaquer sa crédibilité. Par exemple, le procureur va explorer les failles de la version de l’accusé : l’accusé offre-t-il une version qui, en elle-même, comporte des contradictions, des incohérences ou des invraisemblances?

Si l’accusé possède des antécédents judiciaires, il est loisible pour la poursuite de lui poser certaines questions sur ce sujet. Le procureur peut aussi utiliser les déclarations antérieures d’un accusé pour tenter de le mettre en contradiction avec lui-même par rapport à ce qu’il a dit dans le passé. Par ailleurs, si l’accusé met en jeu son honorabilité, ou sa bonne réputation, le procureur pourra être autorisé à administrer une preuve dite de « mauvaise réputation » pour attaquer sa crédibilité.

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