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La crédibilité d’un témoignage


Devant le tribunal, le procureur aux poursuites criminelles et pénales a la lourde tâche de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé. Il doit en persuader le tribunal. Pour ce faire, la preuve testimoniale – le témoignage – est l’un des outils mis à sa disposition. Ces témoignages, tout comme celui de l’accusé, devront toutefois passer le test de la crédibilité. Et on le verra, un témoignage d’accusé jugé peu crédible ne devient pas nécessairement un avantage pour la Couronne.

Par Luc Fournier et Me Patricia Johnson

Dans certains procès, la preuve testimoniale est centrale et parfois même la seule présentée. C’est le cas notamment pour certaines causes d’agression sexuelle. L’évaluation de la crédibilité des témoins, bien que toujours importante, est alors une étape charnière, sinon le cœur du procès.

Lors d’un procès devant juge seul, l’appréciation de la preuve présentée par la poursuite, comme l’évaluation de la crédibilité d’un témoin, se fait par le juge saisi du dossier. Il en est de même lorsque des versions contradictoires ou différentes sont présentées par des témoins. Plusieurs facteurs peuvent déterminer s’il juge crédible ou non un témoin, notamment :

  • sa sincérité;
  • sa capacité d’observation;
  • son attitude;
  • son comportement devant la cour et
  • la fidélité de sa mémoire¹. 

Par contre, lors d’un procès devant jury, l’évaluation de la crédibilité d’un témoin reviendra au jury qui joue alors le rôle de juge des faits. Dans ce contexte, le juge présidant le procès est le juge du droit. Son rôle est alors de juger l’admissibilité ou la recevabilité en preuve du témoignage.

L’arrêt R. c. W.(D.)

Depuis l’arrêt R. c. W.(D.)  de la Cour suprême, en 1991, le juge ou le jury qui doit évaluer la crédibilité de l’accusé relativement à son témoignage utilisera le processus d’évaluation suivant, qui prend l’aspect d’une formule, ou d’une succession de filtres. 

« Premièrement, si vous croyez la déposition de l'accusé, manifestement vous devez prononcer l'acquittement.

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l'acquittement.

Troisièmement, même si vous n'avez pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l'accusé. »

Les juges, ou le jury, doivent trancher si la preuve présentée, incluant la défense de l’accusé,  établit hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé. Ils vont donc se fonder, non limitativement, sur cet arrêt de principe afin d’évaluer la crédibilité de l’accusé et du verdict à adopter. 

Ce qu’il faut garder en tête, c’est que le juge doit procéder à l’évaluation complète de la preuve afin de déterminer s’il est en présence d’un doute raisonnable ou non. Cet exercice doit être fait même lorsque le juge ne croit pas les témoins cités en défense . 

En résumé, même si le juge ou le jury ne croit pas du tout le témoignage de l’accusé, lorsque l’ensemble de la preuve est analysée, il est possible qu’un verdict d’acquittement soit prononcé, puisqu’il n’a pas à choisir entre « deux versions ». Il doit être convaincu hors de tout raisonnable de la culpabilité de l’accusé.



¹ BELLEMARE, Nicolas, « La preuve pénale » dans École du Barreau du Québec, Droit pénal - Procédure et preuve, Collection de droit 2020-2021, vol. 12, Montréal (Qc), Éditions Yvon Blais, 2020, 120

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