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Le fardeau de preuve « hors de tout doute raisonnable »

En droit criminel et pénal, on entend souvent que le fardeau de preuve qui repose sur la poursuite est lourd. En effet, le procureur doit prouver hors de tout doute raisonnable devant le tribunal que la personne accusée a commis l’infraction qui lui est reprochée.

Me Patricia Johnson, porte-parole adjointe et procureure aux poursuites criminelles et pénales

Le système judiciaire canadien est conçu de manière à éviter qu’une personne innocente soit condamnée à tort. La Charte canadienne des droits et libertés (Charte) énonce les droits et libertés fondamentaux des citoyens canadiens. L’article 11d) de la Charte mentionne que tout inculpé a le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable.

La présomption d’innocence est un droit constitutionnel. Il revient donc à la poursuite, les procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs), d’établir la culpabilité d’un accusé devant le tribunal. L’importance de la présomption d’innocence est abordée par la Cour suprême dans l’arrêt Oakes :

La présomption d’innocence a pour effet de sauvegarder la liberté fondamentale et la dignité humaine de toute personne que l’État accuse d’une conduite criminelle. Un individu accusé d’avoir commis une infraction criminelle s’expose à de lourdes conséquences sociales et personnelles, y compris la possibilité de privation de sa liberté physique, l’opprobre et l’ostracisme de la collectivité, ainsi que d’autres préjudices sociaux, psychologiques et économiques. Vu la gravité de ces conséquences, la présomption d’innocence revêt une importance capitale. Elle garantit qu’un accusé est innocent tant que l’État n’a pas prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

La présomption d’innocence est un principe universel qui se retrouve également dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies.

De plus, dans notre système judiciaire, la personne accusée n’est pas obligée de présenter une défense ni de témoigner devant le tribunal. Aucune inférence négative ne peut être tirée du fait qu’un accusé choisit de ne pas témoigner ou de ne pas présenter de défense. Le droit au silence est prévu à l’article 11c) de la Charte et tout inculpé a le droit de ne pas témoigner dans toute poursuite intentée contre lui pour l’infraction qu’on lui reproche d’avoir commise.

Lorsqu’un procès débute, la seule information que le juge ou le jury possède se trouve sur la dénonciation, c’est-à-dire l’énoncé des chefs d’accusation qui ont été autorisés par le procureur. À la fin du procès, le juge ou le jury doit prendre une décision sur la culpabilité de l’accusé selon la preuve qui a été présentée devant le tribunal. La preuve peut, par exemple, être constituée de témoignages entendus ou d’éléments de preuve matériels. De plus, seule la preuve qui est juridiquement admissible peut être prise en compte lors de la prise de décision pour en arriver à un verdict.

Le procureur doit donc présenter devant le tribunal les éléments de preuve qui viennent soutenir le ou les chefs d’accusation portés à l’encontre de la personne accusée. Le procureur doit convaincre le juge ou le jury que la personne accusée a commis le crime hors de tout doute raisonnable. Pour ce faire, il doit prouver hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels de l’infraction reprochée à l’accusé. Ce fardeau de preuve repose entièrement sur la poursuite, jamais sur la personne accusée.

Dans l’arrêt Lifchus, la Cour suprême aborde le concept juridique du doute raisonnable. Elle mentionne qu’un

doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole et […] il ne doit pas non plus reposer sur la sympathie ou sur un préjugé. Il doit reposer plutôt sur la raison et le bon sens et il doit logiquement découler de la preuve ou de l’absence de preuve. Même s’il faut davantage que la preuve que l’accusé est probablement coupable, le doute raisonnable ne nécessite pas de prouver avec une certitude absolue. Une telle norme de preuve est impossiblement élevée.

Le doute raisonnable n’est pas basé sur une intuition ou une supposition, mais bien sur la raison.

De plus, le concept de « hors de tout doute raisonnable » ne signifie pas qu’il n’y a aucun doute possible. Il n’est pas requis du procureur de prouver la culpabilité de la personne accusée avec une certitude absolue.

Toutefois, un juge ou un jury qui croit que la personne accusée est probablement, possiblement ou vraisemblablement coupable doit accorder le bénéfice du doute à celle-ci et l’acquitter. Cela signifie que la preuve présentée devant le tribunal ne permettait pas de conclure à la culpabilité hors de tout doute raisonnable de la personne accusée ¹.

De plus, une preuve hors de tout doute raisonnable ne veut pas dire que la preuve doit être parfaite. Il s’agit plutôt d’une évaluation globale de tous les éléments de preuve qui ont été présentés et qui sont admissibles devant le tribunal ².


Fardeau de preuve en droit civil 

En droit civil, le fardeau de preuve est la balance des probabilités. L’avocat d’une partie doit convaincre le juge que la version des faits qu’il présente devant la cour est plus probable, plus vraisemblable, que celle de l’autre partie. En droit civil, il faut donc convaincre le juge à plus de 50 % que notre version des faits est la plus probable.

Le fardeau de preuve en droit civil est significativement moins élevé qu’en droit criminel ou pénal, puisque les conséquences auxquelles s’exposent les justiciables sont généralement de nature financière et non susceptibles d’être privatives de liberté, comme en matière criminelle.


Sources

Nicolas Bellemare, « La preuve pénale », dans École du Barreau du Québec, Droit pénal – Procédure et preuve, Montréal, CAIJ, Collection de droit 2023-2024, vol. 12, 2023, p. 119.




1 R. c. Lifchus, [1997] 3 RCS 320, par. 39.

2 LSJPA – 181, 2018 QCCA 117, par. 10.


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