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L'ordonnance de non-publication dans un dossier de poursuite

 


Lors d’une poursuite criminelle, un juge peut rendre une ordonnance qui interdit à quiconque de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit « tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin ».

Par MeJoanny St-Pierre

Dans les dossiers de violence sexuelle, cette ordonnance est fréquente. Dès que le poursuivant, la victime ou le témoin la demande au juge, celui-ci doit l’émettre.

Le juge doit obligatoirement accorder l’ordonnance si elle est demandée à l’égard d’une victime de moins de 18 ans, peu importe l’infraction en cause.

Dans tous les autres cas, le juge décide ou non de l’accorder.

Les articles 486.4 et suivants du Code criminel encadrent les ordonnances de non-publication.


Objectifs de l’ordonnance de non-publication

  • Protéger la vie privée de la victime ou du témoin.
  • Assurer la sécurité de la victime ou du témoin.
  • Encourager la dénonciation des infractions et la participation des victimes et des témoins au système de justice criminelle, particulièrement quant aux infractions de nature sexuelle.
  • Faciliter le témoignage de la victime ou du témoin.

Les tribunaux reconnaissent qu’ « en incitant les victimes à dénoncer les auteurs d’agression sexuelle, on en facilite la poursuite et la condamnation ».

On rassure ainsi les victimes qui craignent que leur situation soit rendue publique ou que la judiciarisation d’un tel événement leur cause un préjudice.


Qui est visé par l’ordonnance de non-publication?

Tout le monde!

  • La victime;
  • Les témoins;
  • Les gens qui connaissent la victime, les témoins ou l’accusé;
  • Les journalistes;
  • L’accusé;
  • La population en général, etc.

Il leur est interdit de révéler toute information permettant d’identifier la victime (ou un témoin) en cause dans la poursuite, selon la nature de l’ordonnance.

Une dénonciation anonyme donnant suffisamment de détails pour identifier la victime enfreint l’ordonnance de non-publication. Commet alors une infraction :

  • l’auteur de la dénonciation, peu importe la forme de celle-ci et son moyen de diffusion (média social, affiche, courriel);
  • celui qui la publie ou la distribue.

Voyons cette publication sur un média social qui traite d’un dossier sous ordonnance de non-publication :

M. Lesmainslongues a commis des attouchements contre la plus jeune de ses 2 filles, alors qu’ils habitaient sur la rue Oùonsepromène dans la ville Oùilfaitbonvivre. Faites attention parce que maintenant, il demeure sur la rue Surleborddelarivière. Protégez vos enfants!

Cette affirmation n’identifie pas directement les victimes en cause.

Toutefois, elle donne suffisamment d’information pour permettre aux gens qui les connaissent de les identifier. Même s’il est bien intentionné, l’auteur de ce commentaire contrevient à l’ordonnance de non-publication.


Une victime peut-elle contrevenir à une ordonnance de non-publication émise pour protéger son identité?

Oui si, par exemple :

  • elle s’identifie sur sa propre page Facebook, ou dans tout autre moyen de communication, comme étant l’une des victimes de telle personne;
  • l’ordonnance est toujours en vigueur.

Une victime peut demander que soit levée une telle ordonnance si elle souhaite témoigner publiquement de son expérience.


Combien de temps l’ordonnance de non-publication demeure-t-elle en vigueur?

Pour toujours, sauf si un tribunal la modifie ou l’annule, et ce, même si l’accusé a été :

  • reconnu coupable et a reçu sa peine;
  • acquitté.

Un juge peut modifier ou annuler une ordonnance si la victime visée par l’ordonnance, ou un témoin, ET le procureur représentant la poursuite y consentent.


À quelles peines s’exposent les gens qui contreviennent à une ordonnance de non-publication?

Ils peuvent être poursuivis en vertu du Code criminel.

Ils risquent une amende de 5000 $ et un emprisonnement de 2 ans moins un jour, ou l’une de ces peines.

Me Joanny St-Pierre est procureure aux poursuites criminelles et pénales depuis 2006, dans la région de Sherbrooke. Au fil de sa pratique, elle s'est spécialisée dans les causes en matière de crimes sexuels. Depuis 2019, elle est coordonnatrice provinciale du Comité de concertation en matière de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet.

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