Lorsque des policiers procèdent à des perquisitions, ils saisissent parfois différents objets ayant pu servir à perpétrer des crimes ainsi que des sommes d’argent qui auraient pu être accumulées à la suite de ces infractions.
Entrevue avec Marie-Élisabeth O’Neill et Me Sonia Paquet
Des voitures, des immeubles, des bijoux peuvent être considérés comme des biens infractionnels et des produits de la criminalité. Mais qu’advient-il d’eux?
La chef de direction du Service de la gestion des biens, Marie-Élisabeth O’Neill, et la procureure en chef adjointe, Me Sonia Paquet, lèvent le voile sur cet aspect moins connu du travail du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et sur les retombées positives pour la société qui en découlent.
D’abord, qu’est-ce qu’on entend par « produits de la criminalité » et « biens infractionnels »?
Marie-Élisabeth O’Neill (MO) : En fait, il y a une distinction importante à faire entre un produit de la criminalité et un bien infractionnel.
Le bien infractionnel est un bien qui a servi à la perpétration d’un acte criminel ou d’une infraction. Un produit de la criminalité est le bénéfice qui en résulte.
Une maison qui abrite une serre hydroponique est un bien infractionnel alors que l’argent obtenu en retour de la vente de drogue ou l’objet acquis avec cet argent sont considérés comme des produits de la criminalité.
Dans les deux cas, au bout des procédures judiciaires, ils pourront être confisqués. Entretemps, c’est le service de la gestion des biens qui en conserve la garde. Lorsqu’ils sont confisqués, c’est ce service qui en dispose en les vendant par le biais d’encans.
Quelle est la différence entre saisir, bloquer et confisquer?
MO : Les objets qui sont saisis par les policiers, avec ou sans mandat, peuvent être transportés à l’un des deux entrepôts de Montréal ou Québec.
Pour ce qui est des immeubles, bien sûr, on ne les déplace pas, mais on peut obtenir une ordonnance de blocage.
Cette ordonnance est accordée par un juge. Elle fait en sorte qu’il ne pourra plus y avoir d’interventions sur l’immeuble, que ce soit des rénovations ou la vente de celui-ci, à moins d’obtenir l’autorisation du DPCP.
Si on ne bloque pas assez rapidement un immeuble et que le suspect apprend qu’il y a une enquête policière à son sujet, il pourrait être tenté de le vendre. C’est donc important de procéder rapidement. Pour cela, on doit se présenter devant le juge afin qu’il donne son autorisation.
Quant aux confiscations, elles s’obtiennent à la fin des procédures judiciaires. C’est un juge qui déterminera si on remet le bien au propriétaire inscrit, ou si on le confisque au nom du procureur général du Québec.
Le Service de la gestion des biens s’occupe donc des biens en attendant la fin des procédures judiciaires. Lorsque ces biens sont finalement confisqués, le DPCP peut procéder à la vente.
Les sommes recueillies sont ensuite partagées entre les bénéficiaires conformément au décret gouvernemental instauré en 1999.
À ce propos, à qui est retourné cet argent?
MO : Par exemple, pour la dernière année financière, un peu plus de 16 M$ ont été partagés.
L’autre moitié est séparée entre les corps policiers qui ont participé aux opérations, en fonction du pourcentage que représente leur participation aux opérations policières à l’origine de la confiscation.
Pour ce qui est du reste des sommes amassées – ce qui dépasse les 5 M$ :
- la moitié va au fonds consolidé au ministère des Finances – donc aux Québécois;
- l’autre moitié est répartie dans chacun des corps policiers ayant participé aux opérations qui ont mené à la confiscation, ou encore dans les villes où ils sont situés.
Ça devient intéressant, pour la société, de réinvestir cet argent dans des enquêtes ou des organismes communautaires qui doivent faire de la prévention en matière de criminalité.
On soustrait des biens à des criminels d’un côté, tout en amenant des solutions à des groupes qui préviennent la criminalité de l’autre.
Me Sonia Paquet (SP) : Bien entendu, il faut qu’il y ait un bénéfice pour l’ensemble des Québécois, mais celui-ci n’est pas exclusivement d’ordre financier; il y a aussi parfois des raisons sociales pour saisir ou bloquer un bien.
Par exemple, une maison qui aurait servi à faire pousser du cannabis, ou encore un repaire prisé par les groupes criminels pourraient être bloqués et confisqués pour en changer la vocation, ou encore pour procéder à leur destruction.
Ce fut le cas notamment à Trois-Rivières en 2015, alors que le bunker des Hell’s Angels, un symbole fort, tombait sous la pression d’une pelle rétrocaveuse à la demande du DPCP, qui en était le gestionnaire.
Comme la confiscation des biens de la criminalité semble plutôt lucrative, est-ce souhaitable qu’il y ait plus de confiscations dans le futur?
SP : L’objectif premier, pour le DPCP, ce n’est pas de faire de l’argent. C’est d’aller saisir les actifs criminels parce que c’est pour ça que les criminels font les crimes, c’est souvent leur motivation principale.
Si on frappe où ça fait mal – l’argent – on est dans le nœud de la guerre à la criminalité. Ça peut vraiment être un élément qui découragera les gens de se lancer dans une carrière criminelle.
En vrac…
Les immeubles bloqués et confisqués sont surtout des maisons unifamiliales, parfois des immeubles à logements. Quelque 150 immeubles sont bloqués chaque année, dont 50 sont confisqués.
Le DPCP gère environ 1000 véhicules dans ses entrepôts. Parmi les biens saisis, on retrouve aussi des hélicoptères, des avions, des bateaux, des animaux, des tableaux…
Depuis 1999, près de 200 M$ ont été redistribués à divers organismes venant en aide aux victimes ou qui se spécialisent dans la prévention de la criminalité.
Les biens sont vendus dans des encans ou par appels d’offres, quelques fois par année. Consulter les encans et appels d’offres
Plus d’information à ce sujet :
Suivez-nous