SEXTO : la petite histoire d’un grand projet

Le 23 février 2021, le gouvernement du Québec rendait public le Plan d’action concerté pour prévenir et contrer l’intimidation et la cyberintimidation 2020-2025. Une des mesures centrales du Plan : soutenir l’implantation de la méthode d’intervention SEXTO. Les sommes investies permettront le déploiement du projet dans l’ensemble des écoles québécoises de niveau secondaire d’ici 2025. Cette annonce donne un élan supplémentaire à une initiative qui fait la différence depuis 5 ans pour les adolescents.

Par la Direction des communications

Survol historique de ce grand projet du Bureau des affaires de la jeunesse (BAJ) du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

La naissance d’un partenariat

En janvier 2016, le Service de police de la Ville de Saint-Jérôme sollicite la collaboration de partenaires1 pour trouver une façon d’intervenir efficacement lorsqu’une situation de sextage entre jeunes est signalée dans le milieu scolaire.

Le lieutenant Serge Boivin et l’agent Robin Pouliot, policier aux relations médias et aux affaires communautaires, s’inquiètent d’une hausse des cas de sextage chez les jeunes à Saint-Jérôme. 

Ils constatent également le manque d’outils, autant dans les milieux scolaire, judiciaire et policier, pour prendre en charge ces situations adéquatement et uniformément, et des délais trop longs pour intervenir et limiter les répercussions sur les jeunes impliqués.

Dès lors, 2 procureurs du BAJ, Mes Marc Forgues et Maxime Ouellette, plongent avec enthousiasme dans l’aventure. Le BAJ, un bureau à vocation particulière du DPCP, regroupe l’ensemble des procureurs aux poursuites criminelles et pénales qui se consacrent aux dossiers en matière jeunesse.

À la faveur d’un intérêt grandissant pour le projet, l’équipe de coordination s’est agrandie grâce à l’arrivée de Me Louis-David Bénard. Des procureurs jeunesse de partout au Québec sont de plus en plus nombreux à être formés à l’emploi de la méthode SEXTO. Et les partenariats avec des services de police ne cessent de se multiplier. 

Ainsi, l’initiative née à Saint-Jérôme sera portée par des procureurs œuvrant dans d’autres districts judiciaires et continuera de faire la différence pour des milliers de jeunes aux 4 coins du Québec.

L'équipe de coordination du projet SEXTO
L'équipe de coordination du projet SEXTO, de gauche à droite : Me Louis-David Bénard, procureur au BAJ du DPCP, agent Robin Pouliot, lieutenant Serge Boivin, tous deux du Service de police de la Ville de Saint-Jérôme, Me Marc Forgues, procureur en chef adjoint au BAJ, et Me Maxime Ouellette, procureur au BAJ. 











Prévenir le sextage

Bien souvent les jeunes, comme leurs parents, ignorent que le sextage, soit le partage d’images intimes entre adolescents, peut constituer une forme de pornographie juvénile. Ainsi, les jeunes impliqués s’exposent à des poursuites criminelles, mais également à des conséquences importantes au niveau physique, psychologique et social. Les principales infractions associées au sextage sont la production, la possession, la distribution et l’accès à la pornographie juvénile. 

Compte tenu de leur moins grand degré de maturité, les adolescents peuvent sous-estimer ou méconnaître les conséquences de leurs gestes. À cet égard, le volet prévention dans les écoles primaires et secondaires est d’autant plus important.

La révolution SEXTO : des dossiers traités en 4 jours!

Avant SEXTO, une situation de sextage était bien souvent traitée par le biais d’une enquête criminelle, menée par la police, et du processus judiciaire habituel (demande d’intenter des procédures, analyse par la procureure ou le procureur, décision de poursuivre ou non, etc.). Le traitement de ce type de dossier pouvait donc s’étirer sur plusieurs mois.

Avec SEXTO, en moyenne, le délai de traitement d’un dossier est de 4 jours seulement. La première innovation concrète est sans aucun doute la trousse d’intervention pour le milieu scolaire. 

Le matériel et toutes les étapes à suivre y sont rassemblés pour faciliter la prise en charge de la situation, de façon légale et efficace, par l’intervenant scolaire. 

Acte impulsif ou malveillant?

L’approche SEXTO introduit également la distinction entre un acte impulsif et un acte malveillant

Ce sont les procureurs du BAJ qui déterminent la nature de l’acte. Dans leur analyse, ils tiennent compte, par exemple, des circonstances, du niveau de maturité, de la nature des gestes posés et des intentions des jeunes impliqués. Il s’agit d’une façon de faire adaptée à la réalité des jeunes et au phénomène que SEXTO cherche à prévenir et à contrer.

Dans le cas d’un acte impulsif, le dossier est renvoyé aux policières et aux policiers et traité par la méthode SEXTO.  

Au poste de police, les policiers rencontrent, individuellement, les élèves impliqués en compagnie d’un tuteur ou d’un parent, pour les sensibiliser aux conséquences légales, sociales, psychologiques et physiques du sextage. La méthode d’intervention SEXTO est une mesure non judiciaire appliquée dans la grande majorité des cas.

S’il s’agit d’un acte malveillant, le dossier est traité par la méthode traditionnelle, c’est-à-dire une enquête criminelle complète par les policiers. Dans le cadre du projet SEXTO, cette voie est privilégiée lorsqu’un cas de sextage est le fruit d’une récidive. Ces dossiers sont traités de façon prioritaire par la police et les procureurs.

La victime au cœur des priorités

Le traitement efficace des dossiers diminue les conséquences psychologiques et sociales pour les victimes. 

En intervenant rapidement, les partenaires font cesser la situation et limitent la propagation des images intimes. 

Le projet clarifie le statut du jeune, fille comme garçon, qui produit du matériel à caractère sexuel : il n’est pas considéré comme un contrevenant, mais comme une victime. À ce titre, le jeune est accueilli avec bienveillance et ouverture. Ses intérêts sont pris en compte tout au long de la résolution du dossier.

La trousse d’intervention SEXTO aide les établissements scolaires de niveau secondaire à contrer rapidement et efficacement toute forme d’intimidation ou de violence liée au phénomène de sextage chez les jeunes.

Croire en la jeunesse

Œuvrer comme policier ou comme procureur en matière jeunesse nécessite :

  • une bonne dose de créativité;
  • de croire au potentiel des adolescents de devenir de bons citoyens;
  • de s’adapter à la réalité des jeunes;
  • de traiter les dossiers rapidement. 

Les procureurs du BAJ, tout comme les policiers intervenants en milieu scolaire, se distinguent de la plupart de leurs collègues travaillant sur des dossiers d’adultes. Ils appliquent une loi misant d’abord sur la réadaptation et la réinsertion sociale : la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Le projet SEXTO a été élaboré conformément aux principes de cette loi.

Des résultats convaincants2

  • 752 jeunes impliqués dans des situations de sextage ayant bénéficié du projet.
  • Près de 70 % des jeunes impliqués dans une situation de sextage ont bénéficié de la rencontre de sensibilisation SEXTO.
  • Le délai moyen de traitement d’un dossier par cette méthode est de seulement 4 jours.
  • 1,2 % de récidive.
  • 21 services de police partenaires.
  • 163 écoles secondaires engagées dans le projet.
  • Des milliers de jeunes sensibilisés au phénomène du sextage.

SEXTO, c’est une histoire de bienveillance, de résilience, de persévérance. Il y a tant à découvrir sur le projet SEXTO, visitez son site Web!

Pour en savoir plus sur le phénomène du sextage, visionnez cette entrevue avec Me Louis-David Bénard.



1. Le projet a été élaboré, validé et bonifié avec ces partenaires de première heure : le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) des Laurentides, la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord, l’Académie Lafontaine et le Centre canadien de protection de l’enfance.
2. En date du 24 février 2021