Le dépôt d’accusations est une étape cruciale du processus judiciaire que les procureures et procureurs du DPCP prennent très au sérieux. Avant de déposer des accusations, le procureur aux poursuites criminelles et pénales doit notamment être convaincu que la preuve au dossier pourrait raisonnablement mener à un verdict de culpabilité à l'égard du suspect. La preuve doit donc être très solide.
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Le premier critère que doit considérer le procureur qui analyse un dossier policier, c’est celui de la suffisance de la preuve. Selon la directive ACC-3 :
« Avant d’entreprendre une poursuite, le procureur doit être convaincu, sur le fondement de son analyse objective de la preuve, qu’un juge ou un jury impartial et bien instruit en droit pourrait raisonnablement conclure à la culpabilité du suspect à l’égard de l’infraction révélée par la preuve. »
Pour en être ainsi convaincu, le procureur doit faire appel à d’autres concepts juridiques, tels que le fardeau de la preuve en droit criminel canadien, ainsi qu’aux règles d’admissibilité de la preuve en regard, par exemple, de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).
Fardeau de la preuve
En ce qui concerne le fardeau de preuve exigé en droit criminel canadien, il est, disons-le, très exigeant. En effet, en raison du principe de la présomption d’innocence, prévu dans la Charte, le procureur doit prouver hors de tout doute raisonnable que le suspect a commis le crime dont il est accusé.
La distinction peut sembler subtile, mais le procureur n’a pas à être convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité du suspect, avant de porter les accusations. Cette appréciation appartient au juge ou au jury, lors du procès.
Il doit cependant être convaincu qu’un juge (ou un jury) pourrait raisonnablement conclure à cette culpabilité. C’est donc dire qu’il n’a pas à être certain d’obtenir une condamnation, mais plutôt être convaincu qu’un tribunal pourrait raisonnablement arriver à cette conclusion. C’est ce qui est aussi appelé la perspective raisonnable de condamnation.
Ainsi, il ne doit pas porter d’accusations lorsque la preuve admissible est insuffisante. Lorsqu’elle est suffisante, il porte les accusations et au final, c’est le juge ou le jury qui décidera si l’accusé est coupable ou non.
Dans le cadre de l’évaluation de la suffisance de la preuve, le procureur doit également tenir compte des éléments de preuve au dossier qui sont favorables à l’accusé. Par exemple, si elle ouvre la porte à une défense de légitime défense, il doit le considérer dans son analyse.
Admissibilité
Sur le plan de l’admissibilité, le procureur ne devra tenir compte, pour les fins de son analyse, que de la preuve qu’il jugera légalement admissible.
Prenons l’exemple suivant : le dossier d’enquête contient une déclaration incriminante donnée par le suspect, mais le procureur juge que celle-ci a été obtenue en violation du droit à l’avocat. Dans un tel cas, il devra exclure cette preuve de son analyse et en définitive, faire comme si elle n’existait pas, puisqu’il ne pourrait l’utiliser devant le tribunal.
Au-delà de l’admissibilité de la preuve au dossier, il doit aussi en évaluer le niveau de fiabilité. En effet, le procureur pourrait par exemple conclure qu’une preuve est admissible, tout en jugeant qu’elle est peu fiable, crédible ou digne de foi.
Après avoir effectué cette première étape d’analyse, si le procureur conclut que la preuve admissible contenue au dossier policier n’est pas suffisante pour porter des accusations, il fermera normalement le dossier à cette étape. Dans le jargon juridique, on dira que « la plainte est refusée ».
Ceci dit, si le procureur croit que la preuve peut être améliorée ou bonifiée pour atteindre un niveau suffisant, il peut demander aux policiers un « complément d’enquête » afin d’obtenir des éléments de preuve supplémentaires. Par exemple, une déclaration d’autres témoins ou d’autres types de preuve (relevés bancaires, rapport médical, expertise sur un sujet précis, estimé des dommages causés, etc). Une fois ce complément d’enquête obtenu, le procureur fera une nouvelle évaluation de la suffisance de la preuve.
Ainsi, la décision du procureur reposera essentiellement sur la qualité de la preuve transmise par la police. Si elle est suffisante et qu’il est opportun, dans l’intérêt public, d’entamer des procédures, le procureur a tout en main pour mener à bien sa poursuite et faire la preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé. Dans le cas contraire, la plainte doit être refusée.
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