L’interdiction de communiquer avec la victime durant le processus judiciaire criminel

Téléphone cellulaire avec symbole d'interdiction de communiquer


Vous êtes victime d’un acte criminel? Vous avez porté plainte et vous vous inquiétez que la personne contre qui la plainte a été portée communique avec vous? Votre sécurité doit être prise en considération par les autorités policières et judiciaires. Pour vous protéger, les services policiers, ou encore le tribunal¹, peut imposer des conditions à la personne qui a commis l’infraction. L’une d’elles est de lui interdire de communiquer avec vous.

Annouck Balzer, procureure aux poursuites criminelles et pénales

Les services policiers ou le tribunal peut imposer une condition interdisant à la personne ayant commis une infraction criminelle de communiquer avec vous. Cette interdiction limite ou interdit les contacts avec vous, vos proches, ou toute personne mentionnée dans la condition. 

Cette condition n’est pas obligatoire, ni automatiquement imposée. On imposera l’interdiction de communication si votre sécurité ou celle d’un témoin est menacée ou pour éviter une récidive de la part de la personne qui a perpétré l’infraction. 

L’interdiction doit être raisonnable. Elle l’est notamment s’il y a une possibilité que la personne communique avec vous et que l’infraction puisse se poursuivre, malgré son arrestation.

Informez le service de police de vos craintes à l’égard de la personne ayant commis l’infraction, ainsi que les intervenantes et les intervenants, et la procureure ou le procureur aux poursuites criminelles et pénales  que vous rencontrez². 


En quoi consiste une interdiction de communication ? 

Généralement, cette condition interdit à la personne accusée de communiquer avec vous durant les procédures judiciaires. Elle peut aussi viser les personnes suivantes:

  • vos enfants;
  • votre conjointe ou votre conjoint;
  • vos proches;
  • des témoins;
  • toute autre personne mentionnée dans la condition.

La condition interdit la communication directe et indirecte. Ainsi, la personne accusée ne pourra pas:

  • vous parler directement, c’est-à-dire vous transmettre de l’information au moyen de paroles ou de gestes;
  • vous appeler;
  • vous texter, ou vous envoyer des messages par le biais des médias sociaux;
  • vous envoyer un courriel ou une lettre, etc.

De plus, elle ne peut pas demander à une autre personne, un membre de la famille ou un ami par exemple, de communiquer avec vous, de quelque façon que ce soit (téléphone, message texte, médias sociaux, courriel, lettre, etc.).

En bref, elle ne peut pas vous transmettre un message ou tenter d’entreprendre une conversation avec vous, peu importe le moyen.


Éléments à considérer avant d’imposer une interdiction de communication

Avant d’imposer une telle interdiction, les éléments suivants sont considérés:

  • les craintes que vous, vos proches ou les témoins avez exprimées;  
  • les circonstances de l’infraction et son niveau de gravité, notamment lorsqu’il y a usage de violence ou de menace de violence à votre égard;
  • la nature de la relation que vous avez avec la personne ayant commis l’infraction;
  • votre souhait de ne plus avoir de contact avec cette personne;
  • vos caractéristiques personnelles, comme votre âge ou votre situation familiale;
  • la nécessité de cette mesure pour assurer votre sécurité et celle de vos proches, et vous protéger contre l’intimidation et les représailles.


L’interdiction de communication peut parfois être partielle 

Vous êtes dans une situation où il est nécessaire d’avoir des contacts avec la personne qui a perpétré l’infraction, par exemple vous avez des enfants ensemble et vous en partagez la garde? Avisez le service de police ou le procureur afin que l’interdiction permette l’exercice des droits d’accès, notamment par l’intervention d’un tiers. 

Vous êtes dans une situation où vous souhaitez pouvoir communiquer avec la personne dans certaines circonstances? Avisez la police ou le procureur afin que l’interdiction permette la communication  si c’est vous qui l’initiez et que vous y êtes consentante ou consentant. Les communications doivent toutefois cesser dès le moment où vous n’y consentez plus. 


Quand l’interdiction de communication est-elle imposée ?

La police peut imposer cette interdiction à la suite de l’arrestation de la personne ayant commis l’infraction. On dit alors de la personne arrêtée qu’elle est un suspect.  

Le tribunal peut imposer l’interdiction de communication après le dépôt des accusations contre la personne accusée et à l’issue des procédures judiciaires, lors de la détermination de la peine.


1. L’interdiction de communication imposée par la police

Lorsqu’une personne est arrêtée, la police évalue si elle peut être mise en liberté avec ou sans condition, ou si elle doit demeurer détenue. Avant de la mettre en liberté, la police doit considérer s’il est nécessaire que des conditions lui soient imposées, et ce, pour les raisons suivantes:

  • préserver votre sécurité et celles des témoins;
  • empêcher que l’infraction se poursuive ou se répète, ou qu’une autre infraction soit commise. 

Ces conditions doivent être raisonnables compte tenu des circonstances de l’infraction. Une condition interdisant à la personne suspecte de communiquer avec vous directement ou indirectement peut lui être ordonnée.

Cette condition apparaît dans un document appelé « promesse», que la personne suspecte doit signer et remettre à la police pour être remise en liberté. Elle doit promettre de respecter toutes les conditions indiquées dans la promesse, et ce, jusqu’à la fin des procédures judiciaires.

La police vous avisera des conditions imposées à la personne suspecte, y compris l’interdiction de communiquer avec vous, s’il y a lieu. Vous pourrez ainsi dénoncer la situation au service de police si la personne suspecte ne respecte pas cette condition.

Lors de son arrestation, il est possible que la personne suspecte ne soit pas remise en liberté par la police. C’est le cas si on juge que sa détention est nécessaire pour assurer votre sécurité ou empêcher une récidive. La personne est alors gardée détenue le temps que le procureur évalue son dossier et porte les accusations appropriées. Étant détenue, elle doit comparaître devant le tribunal dans les 24 heures après son arrestation. 


2. L’interdiction de communication ordonnée par le tribunal

Lorsque la personne suspecte comparaît devant le tribunal, on dit qu’elle est une personne accusée. 

Vous pouvez vous présenter au palais de justice lors de la comparution de la personne accusée, comme chaque fois que le dossier revient à la cour, notamment pour parler avec le procureur. 

À l’étape de la comparution, il y a 2 avenues possibles. Le tribunal peut ordonner que la personne accusée soit gardée détenue pour le reste des procédures judiciaires ou qu’elle soit mise en liberté avec des conditions à respecter. 

Si la personne accusée demeure détenue, le tribunal peut rendre une ordonnance de non-communication afin qu’elle ait l’interdiction de communiquer avec vous du lieu où elle est en détention pendant les procédures judiciaires. 

Si la personne accusée est mise en liberté, le tribunal peut inclure dans son ordonnance de mise en liberté la condition de ne pas communiquer avec vous, d’autant plus s’il s’agit d’une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence, ou une infraction de harcèlement criminel. 

En pratique, le procureur demande systématiquement au tribunal une interdiction de non-communication si la personne est accusée de ce type d’infraction. Le procureur le fait même si vous n’avez pas eu l’occasion de le rencontrer et de lui mentionner votre souhait d’avoir cette protection. 

La personne accusée doit respecter cette condition à partir du moment où elle est imposée par le tribunal, et ce, jusqu’à la fin des procédures judiciaires.


3. L’interdiction de communication à l’issue des procédures judiciaires

À l’issue du processus judiciaire, la personne accusée reçoit une peine si elle plaide coupable ou si le tribunal la déclare coupable à la suite d’un procès. 

Le tribunal peut interdire à la personne ayant commis l’infraction de communiquer avec vous pendant toute la durée de la peine qui lui sera imposée. 

Cette condition peut être imposée à la personne accusée pendant qu’elle purge une peine d’emprisonnement dans un établissement de détention ou dans la société (par exemple à domicile). La peine d’emprisonnement peut aussi être purgée de manière discontinue. 

Un exemple d’emprisonnement discontinu est celui où la personne qui a perpétré l’infraction ne va en prison que les fins de semaine. Dans ce cas, elle sera accompagnée d’une ordonnance de probation qui pourra inclure la condition interdisant de communiquer avec vous, quand elle purge sa peine hors de la prison. 

Le tribunal peut également émettre cette condition dans le cadre d’une peine d’absolution conditionnelle ou d’une sentence suspendue, par l’imposition d'une ordonnance de probation.

Vous pouvez être présente ou présent lors de la détermination de la peine et demander au tribunal qu’une interdiction de communication soit imposée. Vous pouvez aussi en parler préalablement au procureur et celui-ci en fera la demande au tribunal.

N’hésitez pas à remplir la déclaration de la victime afin que le procureur, la personne accusée et le tribunal soient informés des conséquences que l’infraction a eues sur vous. Cette déclaration permet, entre autres, de mieux cerner vos craintes et d’évaluer s’il est nécessaire d’ordonner l’interdiction de communication durant la totalité de la peine qui sera imposée. 

La condition d’interdiction de communiquer avec vous peut également être comprise dans un engagement de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite (article 810 du Code criminel).


La modification de l’interdiction de communication 

Vous pouvez communiquer avec le procureur ou l’intervenant qui vous accompagne si vous souhaitez que la condition vous visant soit modifiée. Vous pouvez souhaiter une modification pour pouvoir contacter selon certaines modalités la personne accusée. Le procureur consentira à une modification s’il évalue qu’elle est dans votre intérêt.

La personne accusée peut demander à ce que la condition soit modifiée. Le procureur consentira à une modification seulement après en avoir parlé avec vous et jugé que la modification ne nuit pas à votre protection et à votre sécurité.

S’il n’y a pas de consentement entre la poursuite et la défense pour accepter la demande de modification, le tribunal entendra la demande. On pourrait alors vous demander de témoigner, au  besoin. 


Les conséquences du non-respect de l’interdiction de communication 

Si la personne suspecte ou accusée ne respecte pas la condition d’interdiction de communiquer avec vous, elle commet une infraction criminelle pouvant entraîner des conséquences sérieuses. Elle pourrait être gardée détenue pour le reste des procédures si elle était en liberté. Elle pourrait aussi être accusée d’une nouvelle infraction (non-respect de la condition) et voir sa peine pour l’infraction commise envers vous alourdie.

Il est important de dénoncer à la police le non-respect de cette condition le plus rapidement possible, pour votre sécurité.


Faire connaître vos préoccupations au procureur

Lorsque vous rencontrez la police ou un intervenant, exprimez-lui vos craintes à l’égard de votre sécurité. Une condition interdisant à la personne ayant perpétré l’infraction de communiquer avec vous pourrait être imposée, dès son arrestation par la police ou au cours des procédures judiciaires par le tribunal. Le procureur pourrait également demander au tribunal que cette condition soit imposée à la personne accusée durant la totalité de sa peine.

D’autres conditions existent pour assurer votre protection, notamment une interdiction d’être en votre présence physique, de se trouver à votre résidence, votre école ou votre lieu de travail, de faire référence à vous sur les réseaux sociaux ou de vous importuner. 

N’hésitez pas à parler au procureur de vos préoccupations quant à votre sécurité. Celui-ci considérera ces éléments dans toutes les décisions qu’il prendra lors des procédures judiciaires. 


Cet article est le fruit d'une collaboration entre le Bureau des mandats organisationnels du DPCP et l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes.

Il est le premier d’une série sur les mesures favorisant la participation des personnes victimes d’actes criminels au processus judiciaire. 

Pour connaître d’autres mesures d’aide au témoignage en cour, de protection de la vie privée et de protection des personnes victimes, consultez la publication Faciliter la participation des victimes au processus judiciaire criminel : 10 mesures d'accompagnement et de protection.



¹ Le terme « tribunal » est employé dans cet article pour désigner la juge ou le juge. C’est également un synonyme de l’expression « la cour », qui est parfois utilisée dans les décisions pour désigner le juge.

² Le procureur aux poursuites criminelles et pénales est aussi appelé « procureur de la poursuite » ou « procureur de la Couronne ». Le terme « procureur » est employé dans cet article. Il est l’avocat qui poursuit la personne accusée au nom de l’État et qui agit dans l’intérêt général de la société. Il n’est pas l’avocat de la victime, mais doit tout de même tenir compte de ses intérêts et de ses droits.