L’interdiction de publication de l’identité de la victime

Vous êtes victime d’un acte criminel? Vous vous inquiétez parce que les procédures criminelles sont publiques? Vous avez le droit de demander à ce que votre identité soit protégée lors de ces procédures.

Julie Pelletier, procureure aux poursuites criminelles et pénales


Le principe : la publicité des débats

En droit criminel, la majorité des audiences à la cour sont publiques. Bien qu’elles en aient la possibilité, la plupart des personnes du public n’assistent pas à ces audiences. Elles prennent connaissance des faits exposés par l’entremise des médias.

Dans leur couverture des audiences, les journalistes sont soumis à certaines règles dont :

  • ne pas prendre de photos ou de vidéos à l’intérieur des salles de cour;
  • se tenir dans des endroits précis, désignés par des pictogrammes ou des pastilles au sol, pour réaliser des entrevues. Les personnes qui ne souhaitent pas être vues peuvent ainsi s’éloigner de ces endroits.


Des mesures permettant de protéger votre identité

Lorsque les circonstances le justifient et particulièrement lorsqu’il s’agit de crimes perpétrés avec violence, il est possible que seules vos initiales et votre date de naissance apparaissent sur les documents publics comme la dénonciation et les ordonnances rendues par le tribunal1

Par contre vos coordonnées ne seront jamais transmises à la personne accusée ni connues du public.

Il est également possible que votre identité fasse l’objet d’un interdit de publication. Selon les situations, cette interdiction de publier votre identité peut découler d’une ordonnance rendue par le tribunal à la suite d'une demande ou peut être imposée automatiquement, c'est-à-dire d'office par la loi2


L’ordonnance de non-publication sur demande

En tant que victime, vous avez le droit de demander à ce que votre identité soit protégée, et ce, peu importe que vous soyez assignée ou non à témoigner lors des procédures concernant l’infraction que vous avez subie. 

Vous pouvez vous-même faire cette demande au tribunal. En pratique, la procureure ou le procureur aux poursuites criminelles et pénales3 le fera pour vous au début des procédures criminelles. N’hésitez pas à lui en parler lorsque vous le rencontrerez. 

La forme de la demande et le caractère obligatoire ou non de l’ordonnance demandée diffèrent selon votre âge et l’infraction que vous avez subie. 

Si vous êtes une victime d’une infraction d’ordre sexuel ou une victime âgée de moins de 18 ans, peu importe l’infraction : 

  • la demande peut être faite verbalement;
  • le tribunal aura l’obligation de rendre l’ordonnance demandée.

Si vous êtes une victime âgée de 18 ans et plus et avez subi une infraction autre que d’ordre sexuel :

  • la demande doit être présentée par écrit;
  • une audition peut être tenue, avec ou sans public;
  • le tribunal peut rendre cette ordonnance s’il estime que cela sert la bonne administration de la justice, en prenant en considération divers éléments, dont :
    • le risque sérieux que vous subissiez un préjudice (comme des  dommages matériels, corporels ou moraux  ou encore des pertes économiques) si votre identité est révélée;
    • la nécessité d’assurer votre sécurité et de vous protéger contre l’intimidation et les représailles.


L’interdiction de publication automatique, sans demande

Dans d’autres cas, aucune demande n’est nécessaire. La loi protège votre identité automatiquement si vous êtes :

  • âgée de moins de 18 ans ET que vous avez été victime d’une infraction commise par une adolescente ou un adolescent

ou

  • une victime faisant l’objet d’une représentation, d’un écrit ou d’un enregistrement qui constitue de la pornographie juvénile.


Ce que l’ordonnance de non-publication ou l’interdit de publication protège 

Ces interdictions n’empêcheront pas le public et les journalistes d'assister aux audiences qui concernent le dossier pour lequel vous avez été victime, ni d’en publier les faits ou d’en commenter les procédures. 

Il sera toutefois interdit à quiconque de publier ou de diffuser toute information qui permettrait de vous identifier, comme : 

  • votre nom;
  • le nom de la rue ou de l’endroit où l’infraction a été commise;
  • les lieux que vous fréquentez;
  • votre lien familial avec l’agresseur, si un tel lien existe;
  • vos activités sportives ou autres loisirs, si cela permet de vous identifier, etc. 

Plus vous habitez un milieu où les gens se connaissent, plus les renseignements permettant de vous identifier seront nombreux. 

L’ordonnance interdira la publication ou la diffusion de ces renseignements, peu importe le moyen de communication dans lequel ils sont mentionnés :

  • réseaux sociaux comme Snapchat, TikTok, Instagram, YouTube;
  • sites ou applications de nouvelles;
  • journal, magazine, émission de télévision ou de radio;
  • affiche, pancarte, publication sur un babillard ou dans un autre document écrit, etc. 


Les interdictions de publication s’appliquent à tous et pour toujours, sauf en cas de levée par le tribunal

Les journalistes ne sont pas les seuls à qui il est interdit de publier tout renseignement permettant d’établir votre identité. Tous sont visés, y compris vous, un témoin, la personne accusée, le public, etc.  

Ainsi, il ne vous sera pas permis de publier une information qui permettrait de vous identifier. Si vous souhaitez le faire ou encore vous identifier dans les médias, afin par exemple de donner des entrevues ou participer à un reportage, il faudra que le tribunal révoque l’interdit de publication (on dit alors parfois que l’interdit de publication est annulé ou levé). 

Si vous ne demandez pas à ce que cet interdit soit annulé, il durera pour toujours, et ce, même après que le procès soit terminé. 

Attention : si vous êtes victime d’une infraction commise par un adolescent et avez moins de 18 ans, vous pourrez publier votre nom ou tout autre renseignement de nature à révéler le fait que vous avez été victime de cette infraction aux conditions suivantes :

  • lorsque vous aurez 18 ans, ou, si vous avez moins de 18 ans, avec le consentement de vos parents;
  • avec l’autorisation du tribunal, si vous en faites la demande et que cela n’est pas contraire à votre intérêt ou à l’intérêt public.

De plus, vos parents pourront publier ou faire publier ces renseignements si vous décédez.


Les conséquences à la contravention de l’interdiction de publication 

Si une personne ne respecte pas l’ordonnance de non-publication rendue par le tribunal ou l’interdiction imposée par la loi, elle commet une infraction. Cette infraction est passible d’une amende maximale de 5000 $ et d’un emprisonnement maximal de 2 ans moins un jour, ou de l’une ou l’autre de ces peines. 

Pour l’interdit visant l’identité de la victime âgée de moins de 18 ans qui a subi une infraction commise par un adolescent, l’emprisonnement maximal est de 2 ans.

Lorsque vous rencontrez une policière ou un policier ou encore une intervenante ou un intervenant, faites-lui part de vos craintes concernant la publication de votre identité lors des procédures criminelles. La procureure ou le procureur aux poursuites criminelles et pénales pourra ainsi demander au tribunal une ordonnance de non-publication dès le début des procédures, lorsqu’une telle demande est requise.

N’hésitez pas non plus à parler au procureur de vos préoccupations quant à la protection de votre vie privée et de votre sécurité. La poursuite considérera ces éléments dans toutes les décisions qu’elle prendra au cours des procédures. 


Cet article est le fruit d'une collaboration entre le Bureau des mandats organisationnels du DPCP et l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes.

Il fait partie d’une série sur les mesures favorisant la participation des personnes victimes d’actes criminels au processus judiciaire

Pour connaître d’autres mesures d’aide au témoignage en cour, de protection de la vie privée et de protection des personnes victimes, consultez la publication Faciliter la participation des victimes au processus judiciaire criminel : 10 mesures d'accompagnement et de protection.
 


¹ Le terme « tribunal » est employé dans cet article pour désigner la juge ou le juge. C’est également un synonyme de l’expression « la cour », qui est parfois utilisée dans les décisions pour désigner le juge. 

² La loi dont cet article fait mention est le Code criminel. 

³ Le procureur aux poursuites criminelles et pénales est aussi appelé « procureur de la poursuite » ou « procureur de la Couronne ». Le terme « procureur » est employé dans cet article. Il est l’avocat qui poursuit la personne accusée au nom de l’État et qui agit dans l’intérêt général de la société. Il n’est pas l’avocat de la victime, mais doit tout de même tenir compte de ses intérêts et de ses droits.