On entend souvent parler de
maltraitance envers les personnes aînées dans l’actualité. Mais savons-nous
vraiment ce que ça désigne? Comprendre ses différentes formes et ses
conséquences est essentiel pour mieux prévenir les situations de maltraitance
et protéger les personnes aînées de notre société.
Direction des communications, en collaboration avec Mes
Julie Pelletier et Caroline Rivard, procureures aux poursuites criminelles et
pénales du Bureau du service juridique, et avec l’aide de Me
Marie-Ève Orlup, procureure aux poursuites criminelles et pénales du Bureau des
affaires pénales
Il n’existe pas de façon unique
de définir la maltraitance envers les personnes aînées. Au Canada seulement, il
existe différentes définitions de cette notion suivant les provinces et les
territoires.
La maltraitance envers une
personne aînée est un contexte dans lequel une ou plusieurs infractions
criminelles peuvent être commises, mais ce n’est pas une infraction en tant que
telle au Code criminel. La maltraitance peut toutefois constituer une
infraction pénale, lorsqu’elle se produit dans certains lieux spécifiques et
envers certaines personnes. De
plus, la qualification d’une situation de maltraitance permet parfois une prise
en charge par divers intervenants afin de mettre fin à cette situation, dans le
respect de l’intérêt et l’autonomie de la personne aînée. Le présent article
vise à démystifier tous ces éléments.
Une relation où il devrait y
avoir de la confiance
Au Québec, on se réfère
habituellement à la définition qui se trouve dans la Loi visant à
lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure
en situation de vulnérabilité :
« Un geste singulier ou répétitif ou un défaut d’action appropriée qui se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance et qui cause, intentionnellement ou non, du tort ou de la détresse à une personne. »
Pour qu’une situation soit qualifiée de maltraitance, il doit donc
exister une relation où il devrait y avoir de la confiance entre la personne aînée
et l’auteur du geste répréhensif. La maltraitance survient lorsqu’un geste ou
une omission trahit cette confiance, qu’il soit intentionnel ou non, et qu’il cause
un préjudice ou de la détresse.
Cette relation de confiance doit
s’interpréter largement et s’étend en dehors des frontières intrafamiliales. Cela
inclut notamment les relations amicales, les relations de voisinage, celles
développées dans le cadre d’actions bénévoles ou de prestation de services
domestiques et les relations contractuelles et d’affaires.
Une multitude de situations visées
La définition de la maltraitance est large et inclut une
multitude de comportements et de situations. La maltraitance peut se manifester
de plusieurs façons :
- violences physiques ou sexuelles;
- menaces, humiliations ou pressions psychologiques;
- négligence dans les soins ou dans les besoins essentiels;
- exploitation matérielle ou financière;
- organisation du milieu de vie qui ne respecte pas la dignité de la personne.
Or, ces comportements ou situations ne constituent pas tous des infractions criminelles ou pénales.
Des infractions pénales
En 2022, le législateur québécois
a élargi les moyens de protection des aînés et autres personnes vulnérables. La
Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne
majeure en situation de vulnérabilité a été modifiée pour y ajouter un
régime de sanctions pénales et ainsi décourager les actes de maltraitance
commis notamment envers les personnes aînées.
De façon plus précise, quatre infractions
pénales ont été créées en lien avec la maltraitance envers les personnes aînées :
- Manquer à son obligation de signaler un acte de maltraitance (art. 21);
- Commettre
un acte de maltraitance (art. 21.1);
- Menacer
ou intimider une personne ou tenter d’exercer des représailles contre une
personne qui se conforme à la loi, qui exerce un droit qui y est prévu ou qui
dénonce un comportement y contrevenant (art. 22.2);
- Entraver ou tenter d’entraver de quelque façon que ce soit l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou d’un enquêteur (art. 22.8).
Les personnes ou les
établissements qui commettent ces infractions sont susceptibles d’être poursuivis
en justice et de recevoir une amende.
Des infractions criminelles
Pour qu’un comportement de
maltraitance mène à des accusations criminelles, il doit correspondre à une
infraction spécifiquement prévue au Code criminel. Ces infractions
criminelles ne se limitent toutefois pas aux situations de maltraitance dans la
mesure où elles peuvent s’appliquer dans tout autre contexte, par exemple en
contexte de violence envers un partenaire intime ou envers un enfant.
Il pourrait ainsi y avoir une
infraction criminelle commise dans les exemples suivants :
- Être violent physiquement envers une personne aînée
peut mener à des accusations de voies de fait;
- Retenir volontairement des médicaments, priver de
nourriture, de soins ou d’un abri approprié peut relever de la négligence
criminelle;
- Se comporter d’une manière menaçante ou communiquer
avec une personne aînée de façon
répétée peut constituer du harcèlement criminel;
- Exploiter les finances d’une personne âgée peut
mener à des accusations de fraude.
Seules les infractions impliquant
une relation de confiance entre l’auteur et la personne aînée se qualifieront
d’infractions commises dans un contexte de maltraitance. Ainsi, le vol d’une
voiture au hasard dans un stationnement d’un centre commercial ne se qualifiera
pas ainsi, et ce même si l’enquête policière démontre que la voiture appartient
à une personne aînée.
Lorsque l’infraction a été
commise dans un contexte de maltraitance, la Directive
Vic-1 s’applique. Cette directive commande au procureur d’être attentif à
l’état de vulnérabilité de la personne victime.
La lutte contre la
maltraitance : l’importance de la concertation et de la coordination des
actions
Pour lutter contre la
maltraitance envers les personnes aînées, la prévenir et la repérer, il importe
de favoriser la complémentarité et l’efficacité des mesures prises par les divers
intervenants.
La Loi visant à lutter contre
la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation
de vulnérabilité prévoit qu’une situation de maltraitance peut, sous
certaines conditions, être prise en charge par divers intervenants dans le
cadre d’un processus
d’intervention concerté (PIC). Ce processus permet une concertation entre
les intervenants en vue d’évaluer rapidement et avec justesse un cas de
maltraitance pour y mettre fin, notamment par la mise en commun de leur
expertise et la communication de renseignements qu’ils détiendraient. Cela
permet également une coordination des actions, des enquêtes ou d’autres
procédures afin d’assurer l’efficacité de l’intervention visant à mettre fin à
la situation de maltraitance et de minimiser les effets de cette intervention
sur la personne aînée.
La sensibilisation à la
maltraitance et la dénonciation
Il est possible de dénoncer une
situation de maltraitance en communiquant avec la police ou encore en prévenant
des intervenants qui gravitent autour de la personne victime comme une
travailleuse sociale ou un autre professionnel de la santé.
Si vous croyez subir de la maltraitance ou que vous en êtes témoin, plusieurs personnes et organismes sont là pour vous aider. N’hésitez pas à en parler.
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