Le PMRG pour les personnes autochtones : une justice ancrée dans les cultures

Lorsqu’un jeune homme de 18 ans de Val-d’Or a commis un méfait, il aurait pu se retrouver devant les tribunaux. Pourtant, grâce à un parcours différent, adapté aux réalités autochtones, il a pris part à des cercles de parole et offert de son temps dans une maison d’aînés. Touché par cette expérience, il a choisi de poursuivre son engagement après la fin de ses mesures et n’a pas récidivé.

C’est précisément ce type de réparation que permet la procédure adaptée en milieu autochtone du Programme de mesures de rechange général (PMRG), appelée Procédure de traitement des dossiers impliquant des accusés s’identifiant comme autochtones dans le cadre du Programme de mesures de rechange général pour adultes (PMRG-A-MU). Le PMRG-A-MU est déployé dans certaines villes du Québec soit Montréal, Joliette, Trois-Rivières, Val-d’Or et Roberval. Il est destiné aux personnes autochtones accusées de certaines infractions criminelles. Son objectif : favoriser la responsabilisation, la réparation et la réconciliation, dans le respect des cultures et des parcours de vie.

DCOM en collaboration avec Amy Edward, coordonnatrice à la justice au Centre de justice des Premiers Peuples de Montréal

Le PMRG, créé en 2017, offre une solution de remplacement aux procédures judiciaires habituelles. Un contrevenant peut ainsi prendre ses responsabilités autrement qu’en passant par le tribunal. S’il complète les mesures convenues dans un délai raisonnable, il peut éviter d’avoir un casier judiciaire. L’esprit du programme est celui d’une justice réparatrice : comprendre, réparer et prévenir, plutôt que seulement sanctionner.

Mais le programme ne s’adresse pas uniquement aux personnes contrevenantes. Il répond aussi aux besoins des personnes victimes, en leur donnant la possibilité de participer au processus si elles le souhaitent. Elles peuvent être consultées, participer à des cercles de dialogue ou être accompagnées tout au long de la démarche.


Les organismes autochtones, comme le Centre de justice des Premiers Peuples de Montréal, (CJPPM), sont essentiels au fonctionnement du PMRG-A-MU. Ce sont eux qui déterminent les mesures et assurent  le soutien et la surveillance liés à  chaque dossier. 

Le rôle clé du DPCP

Le PMRG-A-MU ne s’applique pas automatiquement : ce sont les procureurs du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) qui statuent sur l’admissibilité d’un dossier.

Après avoir évalué la preuve, le procureur estime si la personne peut bénéficier du programme. Dans son évaluation de l’admissibilité du dossier, le procureur tient compte des besoins de la personne contrevenante, de l’intérêt de la société et de celui de la personne victime. Le parcours est volontaire et individualisé. 

Pour le DPCP, il ne s’agit pas d’« alléger » la justice, mais plutôt de proposer une autre manière de l’appliquer, en laissant place à la réparation des torts causés ainsi qu’à la responsabilisation et à l’engagement de la personne contrevenante. Les mesures déterminées sont encadrées de façon stricte et font l’objet de suivis réguliers par l’organisme responsable.

Il est donc essentiel que la personne s’investisse activement dans son cheminement et accomplisse les mesures de rechange convenues dans le délai prescrit. Le non-respect de ces conditions peut entraîner le retour du dossier devant le tribunal et la reprise du processus judiciaire traditionnel.

Une approche adaptée aux réalités autochtones

Le PMRG-A-MU est déployé au CJPPM depuis 2022. Amy Edward, responsable du programme pour l’organisme, estime que la dimension culturelle de la démarche revêt une importance capitale dans le processus de déjudiciarisation.

« On est très créatifs. On peut proposer des ateliers d’arts traditionnels, des cercles de discussion, du mentorat, des plans individualisés de bien-être ou encore faire appel à des membres des communautés pour soutenir les participants », explique Mme Edward.

Contrairement au système de justice traditionnel, qui applique les mêmes règles à tous, le PMRG-A-MU s’appuie sur une approche qui valorise d’abord la compréhension du contexte et la réconciliation.

« Dans la pensée occidentale, tout le monde est égal devant la loi. Mais dans la philosophie autochtone, on regarde le contexte : comment peut-on aider cette personne spécifiquement? On veut d’abord comprendre et soutenir. » - Amy Edward,  coordonnatrice à la justice au Centre de justice des Premiers Peuples de Montréal

Cette façon de faire permet à la personne contrevenante non seulement de prendre conscience de ses gestes, mais aussi de travailler sur leurs causes profondes, parfois liées à des traumas intergénérationnels ou à des réalités sociales complexes.

Des effets durables

Le
PMRG-A-MU vise des effets à long terme : éviter la récidive, renforcer l’autonomie et la responsabilisation et restaurer le pouvoir d’agir tant chez les personnes victimes que chez les contrevenants.

Amy Edward constate régulièrement les effets bénéfiques du programme sur les participants. « Les gens nous disent qu’ils ont aimé avoir une autonomie dans leur cheminement. Ils ne se sentent pas poussés ou contrôlés. Ils ont l’impression d’avoir accompli quelque chose par eux-mêmes », rapporte-t-elle.

Une collaboration essentielle

La réussite du programme repose sur la participation active de plusieurs acteurs comme le DPCP, les centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) et les organismes communautaires locaux.

En travaillant sur les problèmes qui ont pu amener les contrevenants à adopter des comportements criminels et en mettant de l’avant la réparation des torts causés à la victime et à la collectivité, le PMRG-A-MU contribue à réduire la récidive et à renforcer la cohésion sociale. Pour le DPCP, c’est une façon d’exercer sa mission en conjuguant sécurité, équité et ouverture.