Quand la route des vacances vous conduit en prison


Vous prendrez la route cet été pendant vos vacances? Vous le ferez peut-être après un repas ou un souper bien arrosé? Certains de vos comportements en auto ou en moto pourraient vous valoir des accusations criminelles, en plus de mettre en danger votre vie et celle d’autres personnes.

Par Patricia Johnson, procureure aux poursuites criminelles et pénales, et Raphaël Thériault, conseiller en communication

La conduite dangereuse ou avec capacités («facultés») affaiblies, l’omission de s’arrêter après un accident, la fuite au volant et la négligence criminelle sont des infractions criminelles. Elles pourraient vous coûter cher ou vous conduire en prison.

Lois qui encadrent la conduite d’un véhicule à moteur

La conduite d’un véhicule à moteur est encadrée par le Code de la sécurité routière et le Code criminel

Le Code criminel définit le véhicule à moteur comme un véhicule tiré, mû ou propulsé par tout moyen autre que la force musculaire, à l’exception du matériel ferroviaire (ex.: wagon de train). La description de véhicule à moteur englobe celles de véhicule automobile et de motocyclette prévues au Code de la sécurité routière. 

Les infractions au Code de la sécurité routière sont des infractions de nature pénales. Une personne qui commet une infraction à ce Code peut, par exemple, se faire imposer une amende ou l’inscription de points d’inaptitude à son dossier de la Société de l’assurance automobile du Québec. 

Une personne déclarée coupable d’une infraction prévue dans le Code criminel aura quant à elle un casier judiciaire. Les peines imposées par le Code criminel sont plus lourdes. 

Conduite dangereuse  

Le Code criminel canadien prévoit 3 infractions routières découlant de la conduite dangereuse: 

  • La conduite dangereuse, prévue au paragraphe 320.13 (1) du Code criminel (C.cr.);
  • La conduite dangereuse causant des lésions corporelles, 320.13 (2) C.cr.; 
  • La conduite dangereuse causant la mort, 320.13 (3) C.cr.  

Pour être déclaré(e) coupable d’une infraction de conduite dangereuse, vous devez avoir conduit, ou avoir eu la garde ou le contrôle, d’un véhicule à moteur, d’une automobile ou d’une motocyclette.

Vous devez aussi avoir agi de façon dangereuse pour le public, c’est-à-dire une manière de conduire de nature à créer un danger (R. v. Fortin, en anglais)

De plus, votre conduite doit constituer un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable dans la même situation. 

Il est «question de savoir si les actions [de la conductrice ou du conducteur] ont créé un risque pour d’autres personnes et si une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures pour l’éviter.» (Source : Le Barreau du Québec, Collection de droit 2020-2021

De manière générale, une simple imprudence, une inattention ou une mauvaise manœuvre sur la route ne sont pas considérées comme une conduite dangereuse. Dans un cas de conduite dangereuse, c’est la manière dont vous conduisez un véhicule à moteur qui importe. 

C'est la procureure ou le procureur aux poursuites criminelles et pénales qui accuse une personne de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort. En plus des éléments mentionnés précédemment, le procureur doit prouver un lien de causalité entre la conduite de la personne et les lésions corporelles ou le décès d’une victime. 

La conduite de l’accusé doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou au décès de la victime (Bonin. c. R). 

Conduite avec les capacités affaiblies 

Il est interdit de conduire un véhicule automobile ou une motocyclette lorsque ses capacités sont affaiblies par la drogue ou l’alcool, ou par un effet combiné des 2 substances. 

L’article 320.14 du Code criminel prévoit plusieurs infractions relatives à la conduite sous l’effet de substances intoxicantes. 

La notion de capacités affaiblies est généralement associée à un taux de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang, communément appelé le .08. Toutefois, si le policier constate des symptômes d’une telle conduite, une personne peut être accusée de conduite avec les capacités affaiblies, même si son taux d’alcool ne dépasse pas .08. 

Une personne peut également être accusée si la concentration de drogue dans son sang est égale ou supérieure à celle établie par règlement. 

Une personne avec les capacités affaiblies qui a la garde ou le contrôle d’un véhicule automobile ou d’une motocyclette commet aussi une infraction criminelle (R. c. Boudreault).

Vous risquez d’avoir un casier criminel et de recevoir une peine imposée par le tribunal pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement si vous prenez la route avec les capacités affaiblies par l’alcool ou par la drogue. 

Omission de s’arrêter à la suite d’un accident (« délit de fuite »)

En vertu de l’article 320.16 du Code criminel, vous commettez un délit de fuite si vous: 

  • conduisez un véhicule à moteur, une automobile ou une motocyclette; 
  • êtes impliqué(e) dans un accident, que vous causiez l’accident volontairement ou non; 
  • savez que vous êtes impliqué(e) dans un accident; 
  • n’avez pas arrêté votre véhicule à moteur à la suite de l’accident pour donner vos coordonnées (nom et adresse) et offrir de l’assistance à une personne blessée ou semblant avoir besoin d’assistance. 

L’accident doit impliquer une autre personne ou un autre moyen de transports: véhicules à moteur, bateaux, aéronefs (ex. : petit avion) ou matériel ferroviaire.

De plus, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec prévoit que tout être humain dont la vie est en péril à un droit au secours. 

Fuite au volant

Une agente ou un agent de la paix (ex. : policière ou policier) vous poursuit alors que vous conduisez votre véhicule. Sans excuse raisonnable, vous n’arrêtez pas votre véhicule dès que les circonstances le permettent. Si vous avez une volonté délibérée de fuir (R. v Roberts, en anglais), vous commettez une infraction criminelle.

Par exemple, une personne conduisant un véhicule automobile interpellée par un policier et qui ne s’arrêterait pas dès que possible commettrait l’infraction prévue à l’article 320.17 du Code criminel

Course de rue

Autrefois, le Code criminel prévoyait une infraction spécifique liée à la course de rue. 

Depuis 2018, il s’agit d’une circonstance aggravante qui doit être prise en compte par le tribunal lors de la détermination de la peine de la personne accusée. 

La culpabilité d’un accusé à une infraction impliquant la conduite d’une automobile ou d’une motocyclette dans un contexte de course de rue pourrait donc aggraver la sentence imposée par le tribunal. 

Négligence criminelle 

La négligence criminelle peut englober toute sorte de situations, y compris des comportements pouvant survenir sur la route. 

Deux infractions sont liées à la négligence criminelle dans le Code criminel, soit la négligence criminelle: 

  • causant la mort (article 220 C. cr.);
  • causant des lésions corporelles (article 221 C.cr.).

Une personne conduit à une très grande vitesse, tout en sachant que son véhicule a des problèmes de freins. Elle perd le contrôle de son véhicule et heurte un piéton. Elle pourrait être accusée de négligence criminelle causant des lésions corporelles. 

Lisez cet article du blogue du DPCP pour en savoir plus sur la négligence criminelle.