Qu’est-ce que le voyeurisme, au sens du droit criminel?
Le voyeurisme est une infraction d’ordre sexuel prévue à l’article 162 du Code criminel. On parle ici de gestes posés
subrepticement, c’est-à-dire en cachette, sans que la personne s’en
rende compte, et dans des circonstances où
il existe une attente raisonnable à la vie privée.
Une
infraction qui évolue avec la technologie
Autrefois, on associait souvent le voyeurisme à des gestes
concrets et visibles, comme regarder par un trou de serrure ou entre deux cabines
de toilette, mais aujourd’hui, les moyens technologiques rendent l’infraction
plus sournoise que jamais.
Des caméras miniatures sont maintenant dissimulées dans des
stylos, des bouteilles de shampoing ou des détecteurs de fumée. Des drones
peuvent filmer à distance. Et des téléphones intelligents peuvent capter des
images dans les transports en commun ou les lieux publics, sans que personne s’en
rende compte.
Ce sont des cas de plus en plus fréquents. Et ils ne sont pas sans conséquences.
La procureure Me Joanny St-Pierre est spécialisée
en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet.
Selon son expérience, « les personnes victimes parlent souvent d’un
sentiment de violation, de perte de sécurité et de peur constante d’être
observées à nouveau. Ces personnes ont vu leur intimité violée, à leur insu,
alors qu’elles pratiquaient des activités de tous les jours, se croyant en
sécurité. C’est cette perception qui est dorénavant ébranlée »,
explique-t-elle.
Dans certains cas, la personne victime peut être appelée à
revenir sur les événements en cour, notamment lorsque les images doivent être
présentées comme preuve. Cette situation peut être éprouvante pour elle, surtout en sachant que d’autres personnes — policiers, avocats, juge et parfois un jury —
verront ces images. C’est pourquoi les procureurs s’assurent d’accompagner les
personnes victimes à chaque étape du processus, en collaboration avec les
intervenants en soutien aux personnes victimes. Leur bien-être, leur sécurité
et leur dignité sont toujours au cœur des préoccupations.
Dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, la Cour suprême du Canada a rappelé que ce type d’atteinte à la dignité
peut entraîner une détresse psychologique importante :
« [E]n cas d’atteinte à la dignité, l’incidence sur la
personne n’est pas théorique, mais pourrait entraîner des conséquences humaines
réelles, y compris une détresse psychologique. »
Quelques années plus tard, alors qu’elle traite des lieux protégés
par cette infraction, le même tribunal, dans l’arrêt R. c. Downes, précise :
« […] Une observation ou un enregistrement [de cette
nature] constitue un abus de confiance, et peut entraîner l’humiliation, l’objectification,
l’exploitation, la honte et la perte d’estime de soi de la personne […].
Elle peut aussi causer un préjudice émotionnel et psychologique, et ce, même si
la personne n’est pas observée ou enregistrée pendant qu’elle est nue. […] »
Cette affirmation peut se transposer également lorsque la
personne est observée ou filmée dans les autres circonstances protégées par la
loi.
Des conséquences bien réelles… pour les contrevenants aussi
Le voyeurisme est une infraction qui peut mener à une peine d’emprisonnement
maximale de cinq ans. Dans certains cas, lorsque le voyeurisme est commis en
même temps qu’une autre infraction (comme une agression sexuelle), les peines
peuvent être consécutives, c’est-à-dire s’ajouter les unes aux autres.
Ainsi, l’infraction de voyeurisme n’est pas à prendre à la
légère. C’est un acte criminel grave aux lourdes conséquences pour les
personnes victimes, et pour ceux qui en sont reconnus coupables.
Si vous êtes témoin ou victime d’un geste de cette nature, vous pouvez porter plainte auprès des services de police.
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