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Mieux comprendre l’infraction de leurre





L’exploitation sexuelle des mineurs prend différentes formes et c’est encore plus vrai depuis les dernières années. La multiplication des médias sociaux et l’expansion d’Internet a rendu l’accès aux enfants et aux personnes vulnérables plus facile. Que ce soit en commettant des infractions liées à la marchandisation de services sexuels de personnes mineures ou encore, en communiquant avec celles-ci via Internet, ces crimes n’ont cessé d’augmenter. Parmi les crimes d’exploitation sexuelle des mineurs sur Internet, l’infraction de leurre est parfois mal comprise.

Direction des communications avec la précieuse collaboration de Me Joanny St-Pierre, procureure aux poursuites criminelles et pénales et coordonnatrice provinciale du Comité de concertation en matière de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet

Le leurre rend illégaux certains types de communications entre un interlocuteur et une personne mineure ou une personne que l'interlocuteur croit être mineure. Il existe plusieurs formes de communications :
  • écrite;
  • verbale, par exemple un message audio;
  • dessin, par exemple l’utilisation d’émoticônes;
  • photo;
  • vidéo;
  • toute autre communication qui se déroule via un moyen de télécommunication.

Pour être criminels, ces échanges doivent avoir toutes les caractéristiques suivantes:

  • Les échanges peuvent être faits par « quiconque ». C’est-à-dire que n’importe qui peut commettre cette infraction. La personne doit avoir au moins 12 ans pour être accusée de cette infraction.
  • Cette personne communique par un moyen de télécommunication, c’est-à-dire un moyen électronique qui permet la transmission à distance d’information. On peut donc penser aux communications qui se déroulent via un téléphone intelligent, une tablette électronique, un ordinateur, une console de jeux vidéo, par exemple.
  • Le contrevenant doit communiquer avec une personne âgée ou qu’il croit être âgée de moins de 18 ans, de moins de 16 ans ou de moins de 14 ans. Il faut donc que la personne victime visée par les communications soit mineure ou que l’accusé croie qu’elle le soit. Le Code criminel énumère des catégories d’âge puisque certaines infractions reposent sur l’âge d’une victime et d’autres sur sa capacité à consentir à certains gestes de nature sexuelle.
  • La communication doit être faite dans le but de faciliter l’une des infractions en matière de crimes à caractère sexuel prévues au Code criminel telles que les infractions qui concernent de la pornographie juvénile, des contacts sexuels, de l’incitation à des contacts sexuels, de l’obtention de services sexuels rémunérés d’une personne mineure, etc.

Par exemple, si la personne demande, sur Messenger, à un enfant de prendre des photographies de lui-même nu, elle cherche à faciliter, par l’utilisation d’Internet, la commission d’un crime lié à de la pornographie juvénile. Il s’agit donc de leurre.


Fermer la porte du virtuel pour protéger les enfants

Par la création de cette infraction en 2002, le législateur fédéral cherche à protéger les enfants avant qu’une personne ne commette une infraction à caractère sexuel à leur endroit. Les enfants sont particulièrement vulnérables à la manipulation qui est facilitée derrière un écran. Sur Internet et par les différents moyens de télécommunication, les personnes mineures peuvent facilement échapper à la vigilance d’adultes de confiance. Le contrevenant qui cherche à les amadouer a un accès direct à leur maison. Le contexte pandémique a augmenté l’accès des enfants à la technologie entre autres puisque l’école s’est déroulée de manière virtuelle.

La personne accusée peut avoir entretenu une conversation qui n’est pas de nature sexuelle avec l’enfant et tout de même avoir commis l’infraction de leurre. Tout dépend de l’objectif du contrevenant, lors de ses communications. Si les échanges visent à faciliter le passage à l’acte d’une infraction sexuelle, ils sont suffisants pour démontrer la culpabilité de ce dernier.

Cette preuve peut être faite de différentes façons. Les circonstances de l’échange sont importantes. Dans tous les cas, si elles démontrent un stratagème ou de la manipulation dans le but de rendre plus probable ou plus facile la commission d’une infraction de nature sexuelle à l’égard de l’enfant, l’infraction de leurre est commise. Comme stratagème, le contrevenant peut tenter de diminuer les inhibitions de l’enfant en utilisant des tactiques de séduction, en attisant la curiosité de ce dernier pour la sexualité ou en utilisant la manipulation par des cadeaux ou par des invitations à relever des défis par exemple.

Au final, la preuve permettant de conclure que l’accusé communiquait dans le but de faciliter un crime de nature sexuelle est suffisante pour que l’accusé soit déclaré coupable, et ce, même si l’infraction recherchée n’est pas commise. Cela veut dire qu’il n’est pas nécessaire que le contrevenant ait rencontré en personne l’enfant ou encore qu’il ait réussi à obtenir des photographies de pornographie juvénile pour que l’infraction soit commise.

Le durcissement des peines

L’arrêt Friesen de la Cour suprême du Canada constitue un important tournant dans l’administration des peines à infliger aux délinquants qui commettent des crimes sexuels à l’égard d’enfants. Le plus haut tribunal du pays encourage les juges à prononcer des peines qui reflètent la gravité de ces crimes et leurs conséquences sur les enfants. Par la même occasion, il confirme que les crimes qui s’en prennent à l’intégrité sexuelle des enfants sont graves et qu'ils ont des impacts importants sur l’enfant, sa famille et toute la société.
 
« Les enfants représentent l’avenir de notre pays et de nos collectivités. Ils font également partie des membres les plus vulnérables de notre société. Ils méritent de vivre une enfance à l’abri de la violence sexuelle. »
Arrêt Friesen de la Cour suprême du Canada

Pas de mode opératoire type

Les délinquants sexuels qui commettent le leurre s’y prennent de multiples façons pour gagner la confiance des jeunes et les manipuler. Différentes décisions des tribunaux permettent de distinguer différents modes opératoires. Toutefois, il faut garder en tête qu’il y a autant de façon de commettre l’infraction de leurre qu’il y a de contrevenants qui la commettent. Voici certains exemples:

  • Un individu qui se fait passer pour une agence de mannequins et qui prétend recruter de jeunes filles.
  • Un individu qui publie des offres d’emploi de gardiennage alors qu’il n’y a pas d’enfant à garder, son but étant d’entrer en contact avec des jeunes.
  • Une personne entreprend des contacts avec un enfant qu’elle connait. Elle tisse tranquillement sa toile autour de lui et gagne sa confiance jusqu’à obtenir des photos et éventuellement le pousser à commettre des gestes de nature sexuelle.
  • Une personne se fabrique un faux compte sur une plateforme numérique de jeux. Ayant créé un lien avec de jeunes joueurs, elle propose ensuite de converser via une application plus conviviale et plus discrète, ce qui lui permet d’avoir un accès facile aux jeunes garçons. Il est possible que la personne formule des promesses de monnaie numérique ou de cadeaux dans les échanges.

Certains peuvent demander et obtenir des fichiers audio, photo ou vidéo de la part de l’enfant et s’en servir pour faire de l’extorsion par la suite. D’autres peuvent demander à l’enfant de se toucher, de le rencontrer dans un but sexuel ou encore, offrir de l’argent en échange de ces activités.


Des impacts très importants pour les jeunes victimes

Ce n’est pas parce que le crime se déroule derrière un écran que les conséquences sont moins importantes. Elles peuvent être énormes pour les jeunes victimes de leurre et leurs proches. Les impacts peuvent être sérieux, particulièrement lorsqu’il y a eu échange d’images où l’enfant apparait dénudé, et peuvent se manifester à court, moyen ou long terme. La permanence de ces fichiers et la conscience de ce fait sont souvent très difficiles pour l’enfant.

La façon dont il sera accueilli dans son dévoilement est également très importante. Comme parent, il peut arriver que la peur guide les décisions et génère des punitions comme la confiscation d’un appareil, une réaction de colère dirigée vers l’enfant ou encore, un discours qui mène l’enfant à se culpabiliser. Il faut être conscient que ces réactions auront un impact sur l’enfant qui est victime de leurre. En effet, cette infraction existe puisque l’enfant est facilement manipulable via Internet, alors qu’il est coupé de la surveillance et de la sécurité offertes par les adultes responsables qui l’entourent. Il ne réalise souvent que trop tard la situation dans laquelle il se trouve et la gravité de celle-ci. 

Idéalement, une discussion devrait avoir lieu dès qu’un enfant est mis en contact avec des appareils électroniques qui permettent l’accès à Internet. D’abord, pour l’informer des risques et pour lui offrir, à l’avance, l’occasion de se confier rapidement et de manière sécuritaire à un adulte responsable, s’il se retrouve dans une situation à risque ou qui l’inquiète. Plus le dialogue sera ouvert, plus l’enfant sera enclin à demander de l’aide au besoin. Il faudra alors l’accueillir, le supporter, l’écouter et le guider vers les ressources d’aide qui existent à ce sujet ¹.


Les ressources

Les personnes victimes de violence conjugale ou d’un crime à caractère sexuel, comme le leurre, qui envisagent de porter plainte, mais qui hésitent devant l’inconnu, bénéficient d’une ligne téléphonique où elles peuvent parler, gratuitement et en toute confidentialité, à une procureure.

1 877 547-3727 (sans frais)

Le Centre canadien de protection de l’enfance administre la centrale canadienne de signalement de cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet, Cyberaide.ca. Celle-ci offre également une multitude d’outils pour les parents et les professionnels pour ouvrir le dialogue avec vos enfants.

Le Centre pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal offre également une ressource téléphonique: Info-aide violence sexuelle

1 888 933-9007 (sans frais)

Les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) offrent des services gratuits et confidentiels de première ligne aux personnes victimes, à leurs proches et aux témoins d’un acte criminel, que celui-ci ait été dénoncé à la police ou non.

1 866 532-2822 (sans frais)

Les services de police sont les ressources à contacter pour dénoncer un crime, que vous soyez victime ou témoin. Le rôle du policier est différent de celui du procureur.

La Fondation Marie Vincent peut également être d’une grande aide pour les parents et les victimes.

Le DPCP a également réalisé une série de balados portant sur la problématique de l'ESEI, en collaboration avec la Sûreté du Québec et Cyberaide.ca.



¹
 Pour bénéficier d’un court outil à cet effet : Fondation Marie Vincent :  Comment réagir en cas de doute ou de dévoilement?












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