La police procède habituellement à la prise de déclaration d’une victime d’un acte criminel âgée de moins de 18 ans ou ayant une limitation physique ou intellectuelle par enregistrement vidéo. La procureure ou le procureur aux poursuites criminelles et pénales1 peut, lorsqu’il y est autorisé par le tribunal, utiliser cette déclaration vidéo en cour. Cette façon de faire évite à la victime de raconter l’intégralité de ce qu’elle a subi à l’audience.
Le témoignage par le dépôt de sa déclaration vidéo est l’une des mesures dont peuvent bénéficier les victimes mineures ou ayant une limitation2 pour favoriser leur participation au processus judiciaire.
Annouck Balzer, procureure aux poursuites criminelles et pénales
La préparation au témoignage
En prévision de son témoignage au tribunal, la victime peut visionner sa déclaration vidéo pour se rafraîchir la mémoire sur les événements. Elle peut le faire au poste de police avec l'enquêteuse ou l’enquêteur avant l’audience3, ou encore avec le procureur lors de la préparation de l’audience.
Si la victime souhaite modifier ou ajouter des éléments à sa déclaration à la suite du visionnement de l’enregistrement vidéo, une nouvelle déclaration sera prise par la police.
Avant le début de l’audience, le procureur rencontrera la victime pour lui expliquer le déroulement des procédures judiciaires et discuter des mesures qui faciliteront son témoignage. La victime peut aussi communiquer avec des organismes comme les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) pour l’aider à préparer son passage au tribunal4.
Cette préparation lui permettra de mieux comprendre le fonctionnement du tribunal et d'accroître sa confiance en prévision de sa participation au processus judiciaire. Le procureur peut également la diriger vers des services d’aide au besoin.
Le déroulement du témoignage
Durant les procédures judiciaires, les témoins de l’infraction criminelle, dont la victime, doivent témoigner de vive voix devant le tribunal sur les faits qu’ils ont observés ou sur ce qu’ils ont vécu.
Le témoignage au tribunal est constitué principalement de 2 étapes :
- interrogatoire par la partie, la poursuite ou la défense, qui a assigné la victime, c’est-à-dire qui lui a demandé de venir témoigner;
- contre-interrogatoire par la partie adverse.
Lors de son interrogatoire, la victime répond aux questions de l’avocate ou de l’avocat qui l’a assignée. Il s’agit normalement du procureur, qui représente la poursuite.
La victime décrit au tribunal les faits dont elle a eu personnellement connaissance. Le tribunal entend ces informations pour la première fois.
Ensuite, la personne accusée contre-interroge la victime. Il lui pose des questions pour notamment tester la fiabilité ou la crédibilité de son témoignage.
Au moment de témoigner, la victime peut bénéficier de plusieurs mesures de soutien, comme le télétémoignage ou encore la présence d'une personne de confiance ou d'un chien de soutien.
L’utilisation de la déclaration vidéo pour remplacer le témoignage de la victime
Si la victime est mineure ou vit avec une limitation physique ou intellectuelle, le tribunal peut permettre que soit admissible en preuve, à certaines conditions, l’enregistrement vidéo de sa déclaration à la police. Cela est possible, quelle que soit l’infraction en cause.
Cette mesure vise à :
- faciliter le passage de la victime au sein du processus judiciaire en lui évitant de décrire avec détail en salle d’audience les abus qu’elle a subis;
- favoriser la conservation de la preuve et la découverte de la vérité.
Il peut être plus propice pour une victime de s’exprimer librement et complètement lors de la déclaration faite au policier qui se déroule dans une atmosphère relativement détendue, plutôt que devant le tribunal dans une situation d’interrogatoire et de contre-interrogatoire qui génère beaucoup de stress. L’utilisation de la déclaration vidéo réduit le nombre d’occasions où la victime doit expliquer ce qu’elle a vécu et permet de diminuer son niveau de stress.
De plus, la déclaration vidéo contient souvent des propos plus fidèles aux faits, tout en étant très fiable.
Pour qu’un enregistrement vidéo d’une victime mineure puisse être admis en preuve il faut que :
- la victime soit âgée de moins de 18 ans au moment où le crime est commis;
- l’enregistrement soit réalisé dans un délai raisonnable après le crime;
- la victime soit capable de décrire les faits à l’origine de l’accusation dans l’enregistrement;
- la victime soit capable de confirmer le contenu de l’enregistrement dans son témoignage;
- l’admission en preuve de l’enregistrement ne puisse pas nuire à la bonne administration de la justice.
Pour qu’une déclaration vidéo d’une victime ayant une limitation physique ou intellectuelle puisse être admise en preuve il faut que :
- la victime soit atteinte d’une limitation physique ou intellectuelle;
- la victime soit capable de communiquer les faits dans son témoignage, mais éprouver de la difficulté à le faire en raison de sa limitation;
- l’enregistrement soit réalisé dans un délai raisonnable après le crime;
- la victime soit capable de décrire les faits à l’origine de l’accusation dans l’enregistrement;
- la victime soit capable de confirmer le contenu de l’enregistrement dans son témoignage;
- l’admission en preuve de l’enregistrement ne puisse pas nuire à la bonne administration de la justice.
Lorsque le tribunal le permet, on dépose en preuve et visionne la vidéo en salle d’audience durant les procédures judiciaires.
Cette façon de faire n’évite pas à la victime de devoir être présente devant le tribunal lors de l’audience, car elle doit confirmer que le contenu de l’enregistrement vidéo est conforme c’est-à-dire :
- que c’est elle qu’on voit dans l’enregistrement et qui a fait les déclarations qu’il contient;
- qu’elle a dit la vérité dans l’enregistrement;
- que sa déclaration est toujours vraie.
Cette déclaration vidéo devient le témoignage de la victime sur les événements qui y sont décrits. C’est comme si elle faisait de vive voix, en salle d’audience, la déclaration contenue dans l’enregistrement. Elle n’a donc pas à répéter devant le tribunal ce qu’elle a dit dans l’enregistrement.
Pour compléter le témoignage de la victime, le procureur peut lui poser des questions supplémentaires à la suite du visionnement de la vidéo. La défense peut aussi la contre-interroger sur les faits décrits dans sa déclaration vidéo ou sur ses réponses aux questions du procureur.
Cet article est le fruit d’une collaboration entre le Bureau des mandats organisationnels du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes (AQPV). Pour plus de détails, voir la fiche destinée aux personnes qui interviennent auprès des victimes d’actes criminels publiée sur le site Internet de l’AQPV, à laquelle le DPCP a collaboré pour le contenu juridique.
1 Le procureur aux poursuites criminelles et pénales est aussi appelé «procureur de la poursuite» ou «procureur de la Couronne». Le terme «procureur» est employé dans cet article. Il est l’avocat qui poursuit la personne accusée au nom de l’État et qui agit dans l’intérêt général de la société. Il n’est pas l’avocat de la victime, mais doit tout de même tenir compte de ses intérêts et de ses droits.
2 Le Code criminel utilise le terme «déficience mentale ou physique».
3 Il peut s’agir de l’enquête préliminaire ou du procès.
4 Le terme «tribunal» est employé dans cet article pour désigner la juge ou le juge. C’est également un synonyme de l’expression «la cour», qui est parfois utilisée dans les décisions pour désigner le juge.
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