Le rôle du procureur auprès du défendeur qui se représente seul

Dans les poursuites visant des infractions pénales, il n’est pas rare de voir des défendeurs se représenter seuls devant les tribunaux, que ce soit pour contester l’infraction, une ordonnance qu’entend demander le poursuivant ou le montant de l’amende. Dans ce contexte, le procureur doit composer avec un rôle bien particulier : présenter sa preuve et défendre l’intérêt public, tout en veillant à ce que la partie défenderesse comprenne suffisamment le processus pour que l’audience se déroule de manière juste et équitable.

Direction des communications et Me Raphaël Garneau-Bédard, procureur aux poursuites criminelles et pénales au Bureau des affaires pénales

Avant d’explorer le rôle du procureur, il convient de clarifier certains termes. En droit, on parle d’accusé lorsqu’il est question de dossiers criminels, tandis que le terme défendeur est utilisé pour désigner les personnes poursuivies dans des dossiers relatifs à des infractions de nature pénale. Rappelons que le droit pénal vise à sanctionner les comportements du quotidien jugés inacceptables en société et qui compromettent le bien-être public. Ces règles qui encadrent la vie de tous les jours découlent notamment du Code de la sécurité routière, de la Loi sur la qualité de l’environnement et de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, pour ne nommer que celles-là.

L’équilibre entre rigueur et équité

Le procureur aux poursuites criminelles et pénales représente l’État. Sa mission est de représenter la société dans son ensemble, en veillant à ce que justice soit rendue, conformément à la loi. En d’autres termes, il défend l’intérêt public. Cependant, lorsqu’un défendeur choisit de se défendre seul, le procureur doit s’assurer que le procès reste équitable, même si la personne ne maîtrise pas les règles de procédure et de preuve. Comment est-ce possible?


Me Raphaël Garneau-Bédard, procureur au Bureau des affaires pénales, l’explique ainsi : « Notre rôle est de faire comprendre correctement le processus au défendeur. On ne peut pas lui dire comment plaider ou constituer sa défense, mais on doit veiller à ce qu’il connaisse ses droits et puisse les exercer. »

Informer sans conseiller

Le procureur a donc le devoir d’informer la partie défenderesse de ses droits, mais pas de lui donner des conseils juridiques personnalisés. Voici des exemples d’informations que le procureur fournit généralement : 

Droit de consulter un avocat ou d’en engager un;
Obligation du poursuivant de divulguer la preuve au défendeur (celle-ci a normalement été transmise par la poste au défendeur avant son procès);
Droit de requérir les services d’un interprète pour son procès si le défendeur s’exprime dans une langue autre que le français ou l’anglais;  
Demande de la remise de la date d’audience si un défendeur n’est pas disponible pour se préparer ou pour consulter la preuve;
Demande de changement de district pour les audiences si l’infraction a été constatée dans une ville autre que le lieu de résidence du défendeur;
Possibilité de requérir la présence de l’agent de la paix ou de la personne chargée de l’application de la loi qui a constaté l’infraction, afin que l’agent ou la personne rende témoignage.

Ces informations permettent à la personne de mieux comprendre le processus et ne nuisent pas à la présentation de la preuve du procureur. 

Adapter la communication

Dans son rôle auprès de la partie défenderesse, le procureur doit s’assurer d’être clair dans ses explications, sans non plus simplifier à outrance. Les défendeurs étant bien souvent étrangers au système de justice, le procureur ne peut pas s’adresser à eux comme s’ils étaient des confrères qui connaissent déjà le processus judiciaire. 


Les communications entre le procureur et le défendeur peuvent se faire à différents moments, soit pendant la préparation du dossier, le matin de l’audition ou pendant le procès. Parfois, les discussions permettent de clarifier la procédure, d’éviter des malentendus et de trouver des solutions rapides et justes. 

« Ce que j’aime dans ces échanges, c’est la franchise. Les gens veulent s’expliquer et donner leur version des faits. Parfois, ils réalisent qu’ils ne comprenaient pas bien l’infraction et décident de changer leur plaidoyer pour plaider coupable. On ne discute pas de leur stratégie, mais on peut ouvrir le dialogue et expliquer le cadre légal. » 
Me Raphaël Garneau-Bédard, procureur aux poursuites criminelles et pénales

Des dossiers très variés

Dans sa pratique, Me Garneau-Bédard remarque que les défendeurs non représentés sont plus nombreux dans les cas d’infractions mineures.  

Pour des dossiers plus complexes ou entraînant des conséquences importantes sur la vie quotidienne, notamment une amende élevée, une perte de permis de conduire, une sanction administrative comme une annulation du certificat du chasseur, les défendeurs font appel à un avocat dans une plus grande mesure, pour être représentés devant la cour. 

Dans tous les cas, le procureur doit ajuster son approche. Il agit comme un véritable garant d’équité : il défend l’intérêt public avec rigueur, mais s’assure aussi que la personne qui se représente seule n’est pas désavantagée de manière disproportionnée par son manque de connaissances juridiques. C’est un équilibre délicat, mais essentiel au bon fonctionnement de la justice.

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