Lorsqu’un drame survient ou qu’un dossier de violence conjugale prend fin sans condamnation, les réactions sont souvent vives. Dans les médias comme dans l’opinion publique, certains se demandent pourquoi une personne accusée de violence conjugale n’a pas été traduite en justice ou condamnée. Derrière chaque dossier se cache pourtant une réalité juridique et humaine complexe, où les procureurs du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) doivent constamment concilier la recherche de justice, la sécurité des personnes victimes et le respect de leurs choix.
DCOM
Dans le cadre de leur travail,
les procureurs aux poursuites criminelles et pénales placent la sécurité des
victimes au cœur de leurs préoccupations. Ils s’assurent que leurs intérêts
légitimes soient pris en compte tout au long du processus judiciaire.
À ce titre, ils se réfèrent
notamment à la
directive VIO-1 du DPCP, qui encadre le traitement des infractions
commises dans un contexte de violence conjugale. Cette directive précise que
les procureurs ne peuvent pas obliger une victime à témoigner dans un procès
contre son ou sa partenaire intime.
Pourquoi ne contraint-on pas
une victime à témoigner?
Contrairement à ce que l’on
pourrait penser, une déclaration faite à la police ne suffit pas pour mener un
procès criminel. Lors du procès, la déclaration ne peut pas remplacer le
témoignage à la cour. En réalité, les poursuites criminelles reposent sur l’ensemble
des éléments de preuve, et il faut pouvoir démontrer la culpabilité d’un accusé
hors
de tout doute raisonnable. Dans les dossiers de violence conjugale, le
témoignage de la victime demeure souvent un élément central pour établir les
faits et permettre au tribunal de statuer sur la cause.
C’est pourquoi, lorsqu’il est
question de violence conjugale, les procureurs ont dans la vaste majorité des
cas besoin de la participation et du témoignage de la personne victime dans le
cadre du processus judiciaire.
Lorsqu’une victime prend la décision de ne plus s’impliquer dans le processus judiciaire ou qu’elle n’est
plus en mesure de le faire, les procureurs doivent réévaluer la preuve
disponible selon la
directive ACC-3. Si, sans le témoignage de la personne victime, la
preuve ne permet plus de démontrer la culpabilité de l’accusé hors de tout
doute raisonnable, le procureur a l’obligation de mettre fin aux procédures ou
de substituer une accusation par un engagement (directive ENG-1).
« Dans une grande proportion
de dossiers qui traitent de violence conjugale, les personnes victimes décident
de retirer leur implication, et ce, pour des raisons variées qui leur sont
personnelles. Ultimement, ce sont des décisions qui leur reviennent et nous
devons les respecter. Dans certains cas, le simple fait d’avoir dénoncé les
gestes commis peut avoir été suffisant pour les besoins de la personne victime
et avoir été salvateur pour elle. Les attentes envers le système de justice
diffèrent d’une personne victime à l’autre. Chaque parcours est différent et il
faut accepter cette réalité comme procureur », rapporte Me Bastien.
Cette approche vise à maintenir
la confiance des personnes victimes envers le système judiciaire. L’objectif
n’est pas d’obtenir un verdict de culpabilité à tout prix, mais de créer un lien
de confiance durable afin que la personne victime ne craigne pas de recontacter
les autorités si sa sécurité est de nouveau menacée.
Des exceptions guidées par la
protection du public et par la preuve indépendante disponible
Il existe toutefois des
situations où la
poursuite peut aller de l’avant même sans le témoignage de la victime. Par
exemple, lorsque la preuve indépendante est suffisante : vidéos, témoignages
de tiers, photos, appels au 911 ou déclarations spontanées admissibles.
Et dans certains cas, notamment
lorsqu’un enfant est blessé ou à risque, le procureur peut juger nécessaire de
poursuivre malgré l’ambivalence de la personne victime.
Chaque situation est différente
et une évaluation minutieuse est faite par le procureur dans chacun des dossiers.
Le rôle du procureur :
protéger, mais aussi respecter
Le travail du procureur en
matière de violence conjugale repose sur un équilibre constant : agir pour
protéger sans raviver la peur ou le traumatisme chez la personne victime.
En 1995, l’État québécois s’est
doté d’une politique d’intervention en violence conjugale qui trouve toujours
application aujourd’hui. Elle constitue le fondement de l’approche du DPCP dans
ce type de dossiers.
L’ambivalence ressentie par certaines victimes ne doit pas être perçue comme un refus de collaborer, mais plutôt considérer comme un symptôme de la dynamique de la violence conjugale.
« Nos priorités sont d’accompagner, d’informer et de soutenir plutôt que de contraindre les personnes victimes. On espère qu’au final, le lien de confiance bâti incitera les personnes victimes à dénoncer et à poursuivre les démarches jusqu’au bout, lorsqu’elles seront prêtes. » – Me Lucas Bastien
Dans bien des cas, le temps, la
relation de confiance et les discussions avec le procureur, les
intervenants du CAVAC ou d’autres organismes peuvent
amener une victime ambivalente à participer au processus judiciaire. C’est
pourquoi les procureurs demeurent en dialogue avec les victimes, tout en
respectant leur rythme.
Un devoir moral collectif
Bien que le système de justice
joue un rôle central, la lutte contre la violence conjugale ne repose pas que
sur les épaules des personnes victimes ni sur celles des procureurs. Dans un
contexte de violence conjugale, cela peut signifier de dénoncer ou de signaler
une situation préoccupante aux autorités lorsqu’on en est témoin.
Si vous avez des questions sur le
processus judiciaire des dossiers de violence conjugale, des procureures sont
disponibles du lundi au vendredi de 8 h 30 à 16 h 30 pour
vous répondre, et ce, en toute confidentialité.
Vous pouvez les rejoindre par la Ligne Info DPCP, au 1 877 547-3727.




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