Le processus judiciaire en matière de droit pénal

 


Pour certains, il s’agit malheureusement d’une situation commune. Pour d’autres, c’est une aventure qui nourrira quelques conversations mais surtout un grand sentiment de gêne. Que ce soit sur une autoroute, aux abords d’un chantier de construction ou dans une zone scolaire, recevoir un constat d’infraction pour vitesse excessive ne laisse personne indifférent.


MJulien Beaulieu, procureur aux poursuites criminelles et pénales


Maintenant que le constat d’infraction vous est remis par le policier, à quoi devriez-vous vous attendre?


Il est impératif de prendre le temps de lire autant le recto que le verso du constat d’infraction. Si cette étape est souvent négligée, elle pourrait s’avérer cruciale. Vous apprendrez notamment que vous devez transmettre un plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité dans les 30 jours de la réception du constat.


Laisser le constat d’infraction dans la voiture ou au bureau? Le classer sous une pile de documents qui dorment? Ou simplement l’oublier? Vous courrez le risque de vous faire déclarer coupable par défaut. En d’autres termes, ne pas répondre au constat pourrait mener à des frais supplémentaires.


Ce montant n’aurait-t-il pas été mieux investi dans une belle soirée au restaurant?

Si vous enregistrez un plaidoyer de non-culpabilité, un avis d’audition vous sera envoyé dans les mois qui suivent. Cet avis d’audition vous informera de la date à laquelle le procès sera entendu.


Prendre connaissance de la preuve

Par ailleurs, le Bureau des infractions et amendes vous fera parvenir une copie de la preuve détenue par la poursuite. Ces documents étant acheminés par la poste, assurez-vous d’avertir la cour de tout changement d’adresse.


Le rapport indique les constatations faites par le policier. Souvent, on y notera la présence de véhicules sur la chaussée, des manœuvres du véhicule ciblé, la température, comment s’est passé l’interception, etc. Ces informations pourraient être pertinentes dans la préparation de votre défense.


En présence d’un cinémomètre radar ou laser, le rapport indique que l’appareil est approuvé et que le policier qui l’utilise est qualifié pour le faire. Ce dernier mentionne avoir effectué des tests sur l’appareil avant et après l’opération afin de s’assurer du bon fonctionnement de celui-ci. Par ces tests, les tribunaux supérieurs ont conclu que la vitesse captée est démontrée à première vue (prima faciè), c’est-à-dire que la vitesse captée est valide, jusqu’à preuve du contraire.


Cette preuve ne vous prive certainement pas de vos moyens de défense. Après tout, les dossiers pénaux, comme les dossiers criminels, nécessitent que la poursuite démontre la commission de l’infraction hors de tout doute raisonnable.


La préparation au procès

Maintenant que vous connaissez la preuve que le procureur aux poursuites criminelles et pénales entend montrer au juge, que désirez-vous faire? Peut-être qu’à la lecture de cette preuve, vous désirez finalement plaider coupable, peut-être que non. Peu importe, cette décision vous appartient toujours. Si vous désirez aller de l’avant avec le procès, il peut être judicieux de bien vous préparer.

  • D’abord, désirez-vous présenter une défense?
  • Si oui, quelle sera-t-elle?
  • Jugez-vous bon de montrer des photos au juge?
  • Voulez-vous présenter des témoins?
  • Demandez-vous la présence du (des) policier(s)?
  • Désirez-vous consulter un avocat?

Il est impératif de se poser ces questions aussi rapidement que possible car le matin du procès, il risque d’être trop tard.


Dans les jours précédant le procès, si vous devez reporter l’audition de votre cause pour une raison valable (votre témoin doit se rendre à l’hôpital, vous êtes appelé d’urgence à l’extérieur du pays, vous désirez finalement obtenir les services d’un avocat...), prenez le temps d’en informer la poursuite.


Le procès

Le jour du procès arrive. Vous avez bien lu la preuve de la poursuite, vous avez bien préparé votre défense et avez même consulté certains sites internet répertoriant de la jurisprudence . En d’autres termes, vous êtes prêts. Présentez-vous le matin du procès de façon aussi calme que possible.


En arrivant en cour, vous réaliserez que d’autres personnes sont, elles aussi, présentes pour leur propre procès. Toutes ces personnes ont, comme vous, le droit d’être entendues pleinement par le tribunal. Ce qui implique que votre dossier pourrait ne pas être entendu tout de suite. En fait, pour la plupart des salles dédiées aux dossiers d’excès de vitesse, l’assignation vous demande d’être libre pour la journée.


Lorsque votre nom sera appelé, le procès pourra commencer. Bien que tout le monde tente de rendre le processus aussi convivial que possible, le vouvoiement est de mise et vous devez vous lever pour vous adresser à la cour. Par ailleurs, les audiences étant enregistrées, exprimez-vous de façon à ce que l’on vous entende bien.


Le procureur aux poursuites criminelles et pénales présentera sa preuve en premier. Cette preuve, vous l’avez déjà consultée lors de votre préparation. Elle consiste généralement en un rapport policier et/ou de son témoignage oral.


Si le policier témoigne oralement, vous avez le droit de lui poser des questions afin de tester la crédibilité et la fiabilité de son témoignage. Par contre, vous devez vous rappeler que c’est le policier qui témoigne à ce moment et non vous! En d’autres termes, ce n’est pas le moment de donner votre version des faits.


À la fin de la présentation de la preuve de la poursuite, vous pourrez présenter votre défense. À l’instar des témoins de la poursuite, tout témoin que vous présenterez pourra être contre-interrogé par le procureur pour tester sa crédibilité et sa fiabilité.


La plaidoirie et la décision

Une fois la preuve présentée de part et d’autre, les parties pourront plaider. La plaidoirie, c’est de convaincre le juge que la preuve présentée mène soit à un verdict d’acquittement, soit à un verdict de culpabilité. Pour bien comprendre la distinction entre la phase de présentation de la preuve et la plaidoirie, imaginez la construction d’une maison. La présentation de la preuve, c’est d’amener les matériaux sur le chantier. La plaidoirie, c’est d’assembler la maison avec ces mêmes matériaux. Si vous n’avez pas cru bon d’amener de quoi faire les fondations, vous devrez vous en passer; si vous avez omis de présenter une preuve au juge, vous devrez vous en passer.


Régulièrement, le juge rend sa décision sur-le-champ à la lumière de la preuve et des plaidoiries. Dans certains dossiers, le juge peut désirer prendre la décision en délibéré pour y réfléchir ou effectuer des recherches additionnelles. Peu importe la situation, un avis vous sera normalement envoyé afin de vous informer de la décision du tribunal.

Pour terminer, quelques rappels :

  1. Les points d’inaptitude sont administrés par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Ni la poursuite, ni la cour ne peuvent les diminuer ou les augmenter;
  2. Bien que vous n’ayez aucune obligation de discuter de votre dossier avec le procureur, vous avez toujours la possibilité de le faire. Des ententes peuvent parfois être conclues et parfois non.


1 Par exemple, SOQUIJ (jugements.qc.ca) ou CanLII (canlii.org).