Violence conjugale et sexuelle : des procureures au bout du fil



Pour les personnes victimes de violence conjugale et de violence sexuelle, il peut être difficile de se décider à dénoncer un agresseur. Que se passera-t-il ensuite? Quel sera mon rôle? Les questions sans réponses peuvent nuire à la prise de décision. Jusqu’à ce qu’une procureure réponde à votre appel.

Luc Fournier, conseiller en communication


Depuis avril 2018, les personnes victimes de violence sexuelle et les intervenant(e)s qui leur viennent en aide bénéficient d’une ligne téléphonique, offerte par le DPCP, où ils peuvent parler à une procureure aux poursuites criminelles et pénales. Depuis décembre 2022, cette ligne offre aussi les mêmes services aux personnes victimes de violence conjugale.

Ainsi, les personnes victimes qui envisagent porter plainte mais qui hésitent devant l’inconnu, ainsi que les intervenantes qui les accompagnent, bénéficient d’informations précises sur le processus judiciaire et sont alors outillées pour faire des choix éclairés relativement aux abus dont elles ont été victimes. 

Les appréhensions des personnes victimes et intervenantes qui appellent sont nombreuses. Les réponses des procureures, elles, réconfortent. 

« Quand les appels débutent, je sens le stress dans la voix des gens, remarque Me Eliane Beaulieu, une des répondantes. Ça s’adoucit tout au long de l’appel. J’ai l’impression que plus ils ont de l’information, plus ils comprennent, et plus le stress s’en va. » 

Lorsqu’on joint Me Beaulieu, Me Charbonneau-Emery, Me Roy-Drouin, Me Dorion, Me Balzer ou Me Ducasse-Hathi, le ton est calme et bienveillant et le temps, suspendu. Car les procureures prennent le temps de s’assurer que toutes les questions seront répondues.

« Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est qu’à la fin de la discussion, la personne victime se soit sentie écoutée, comprise et considérée, souligne la responsable de la ligne, Me Laurence Charbonneau-Emery. Je m’assure que la personne à qui je m’adresse dispose de toute l’information nécessaire pour prendre la meilleure décision pour elle et qu’elle sache vers quelle ressource se tourner pour obtenir le soutien dont elle a besoin, qu’elle décide ou non de dénoncer. Je souhaite aussi susciter la confiance de la personne victime envers notre système de justice, auquel je crois profondément. »



Les questions fréquentes

Le processus judiciaire, comment se préparer, voire à qui s’adresser pour porter plainte… Les questions posées lors de ces appels sont nombreuses et variées.

« Les personnes qui appellent se questionnent sur le processus judiciaire criminel en général mais également sur les conséquences pour elles et pour l’auteur de violence de dénoncer un crime. Elles veulent savoir comment s’y prendre mais aussi pourquoi s’investir dans le processus judiciaire criminel. Il est également souvent question des conditions de mise en liberté et de la nécessité de dénoncer les bris. Ultimement, elles veulent savoir à quoi s’attendre », décrit Me Charbonneau-Emery.

Un objectif de la Ligne Info DPCP est également de défaire certains mythes tenaces. Par exemple, des personnes victimes croient à tort qu’il leur sera nécessaire d’engager un avocat. Rappelons que le procureur aux poursuites criminelles et pénales, qui a le rôle d’intenter une poursuite notamment lorsqu’une infraction criminelle – comme une agression sexuelle – a été commise, est un avocat payé par l’État pour défendre les intérêts de la société, tout en tenant compte des intérêts légitimes des personnes victimes et dans un souci constant de bien l’accompagner et l’informer.

On demande aussi fréquemment quelle est la porte d’entrée pour dénoncer un crime. Réponse : la police. Les avocates inviteront la personne victime à être bien accompagnée dans cette épreuve, notamment par le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC).

On souhaite aussi savoir combien de temps prendra le processus, ou encore le degré d’implication de la personne victime dans ce processus.

Les personnes victimes et leurs intervenantes se questionnent également sur l’aspect public d’un procès et sur la sécurité. Il faut savoir que la sécurité et le bien-être des personnes victimes sont des priorités, pour les procureurs. 

« Récemment, une personne victime de violence conjugale a appelé car elle hésitait à s’impliquer dans le processus judiciaire criminel tant elle craignait pour sa sécurité si son ex-conjoint l’apprenait. Nous avons longuement discuté des différentes ressources à sa disposition. Elle était heureuse de savoir qu’elle n’avait pas à rester seule et que du soutien et de l’aide immédiate pouvait lui être offert », relate la responsable de la ligne d’aide. 

D’autres se préoccupent également des conséquences sur leurs agresseurs. 

« Leur but n’est souvent pas lié à la conséquence que va encourir l’agresseur. Leur but, c’est plutôt d’être crues, et de signifier à l’agresseur que ce qui s’est passé, c’est inacceptable », explique Me Beaulieu. 

Les personnes victimes qui appellent se demandent aussi si leur parole sera suffisante pour faire la preuve hors de tout doute raisonnable de l’infraction. « C’est sa parole contre la mienne », disent parfois des personnes victimes pour justifier de ne pas porter plainte. Ce qu’on dit moins, c’est que cette parole est la plupart du temps suffisante pour faire condamner un agresseur. 


En toute transparence

Les procureures souhaitent informer les personnes victimes et les intervenantes sur le processus judiciaire le plus fidèlement possible. Ici, embellir la réalité n’a pas sa place. Pas de lunettes roses. « Je leur dis sincèrement : c’est un processus difficile. Mais je leur suggère aussi des avenues pour que ce soit le plus doux possible. »

« J’en profite pour leur parler des bénéfices d’être accompagné par des personnes de confiance tout au long du processus judiciaire. » D’ailleurs, les appels proviennent souvent des personnes victimes en présence de leurs intervenants, qui souhaitent, ensemble, aller chercher des réponses. Une discussion à trois qui permet de bien saisir ce qu’implique une dénonciation à la police et ce qui s’ensuit.


Une approche humaine

Pour être responsable d’une telle ligne d’aide, « ça prend des gens qui ont à cœur ce mandat », concède Me Beaulieu. Car la qualité des professionnels que les personnes victimes rencontreront dans leur parcours auront une incidence importante sur leur sentiment par rapport au système de justice.

« Les gens me le disent : vous avez l’air doux, j’ai confiance en vous. Oui, je pense que le savoir-être est la clé du succès dans le processus judiciaire criminel. Et les procureurs sont nombreux dans le réseau à posséder cette habileté d’être d’un grand support pour les victimes », explique la procureure. 

« On travaille tous les jours, au DPCP, à améliorer l’expérience des personnes victimes dans le système judiciaire. »

Pour la procureure, le sentiment d’accomplissement personnel est très grand, quand se termine l’appel. « T’as vraiment l’impression d’avoir aidé. Cette ligne-là me donne un accès direct à leurs préoccupations. C’est gratifiant », lance Me Beaulieu. 

« Cette personne va être capable de dénoncer », se dit-elle alors, confiante.


Une clientèle variée

Les personnes qui appellent la ligne du DPCP sont majoritairement des personnes victimes, surtout des femmes, mais aussi quelques hommes. Des adolescents jusqu’aux personnes dans la soixantaine, voire plus. Et plusieurs intervenants et intervenantes. « Des gens appellent alors que l’infraction s’est produite dans les jours précédents. D’autres, ça fait des dizaines d’années », explique la procureure. 

La durée des appels est aussi très variable. « Certains, comme ceux des intervenants, sont très courts parce que les questions sont très ciblées. Dans d’autres cas, j’ai eu des appels d’une heure et plus. »

Certaines personnes vont expliquer le contexte, d’autres opteront pour la discrétion. Tout est possible et la procureure s’adapte aux besoins de ses interlocuteurs.

Les appels sont confidentiels et la personne victime ou l’intervenante n’ont aucune obligation, par la suite. 

Les personnes victimes qui sont déjà dans le processus judiciaire devraient quant à elles contacter le procureur responsable de leur dossier. La ligne est réservée aux gens qui n’ont pas encore dénoncé à la police.

Le service est offert tant en français qu’en anglais.


La ligne est en service du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 12 h et de 13 h à 16 h 30, au numéro suivant : 1 877 547-DPCP (3727).





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