Si la personne victime se désiste durant le processus judiciaire, la procédure peut-elle continuer?

Il arrive parfois, en plein processus judiciaire, qu’une personne victime ne souhaite plus s’impliquer, qu’elle veuille retirer sa plainte ou encore qu’elle change sa version des faits pour éviter une condamnation à l’accusé. Ces revirements de situation peuvent étonner, mais sont bien réels et se produisent régulièrement. Dans de telles situations, est-ce que le procureur aux poursuites criminelles et pénales peut tout de même continuer le processus judiciaire jusqu’au procès, voire jusqu’à un verdict? La réponse est oui, selon des critères établis.

DCOM

Avant toute chose, il faut mentionner qu’un procureur ne peut pas entamer une poursuite de sa propre initiative. Il faut d’abord qu’une dénonciation soit déposée, que ce soit par la personne victime, un proche, un témoin ou encore un policier qui a constaté un crime. Cette plainte permet à la police de mener une enquête et de soumettre un dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

C’est ensuite au procureur des poursuites criminelles et pénales de déterminer si des accusations peuvent être portées, selon deux critères :


L’indépendance du procureur, au-delà de la volonté individuelle

Une personne victime peut refuser d’aller de l’avant ou se désister au cours du processus judiciaire. Cela ne signifie pas automatiquement la fin des procédures. Le procureur peut choisir de continuer malgré tout. 


Son indépendance professionnelle lui permet de porter un regard objectif sur la preuve disponible. Si celle-ci est suffisante pour satisfaire le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable, et qu’il juge qu’il est dans l’intérêt public de poursuivre, il peut le faire.

L’intérêt public

Le concept d’intérêt public est central dans l’évaluation du procureur. En effet, il s’agit non seulement de rendre justice à une personne victime, mais aussi de protéger la société dans son ensemble. Certaines infractions ont des répercussions qui dépassent l’individu directement touché : violence conjugale, crimes haineux, exploitation de personnes vulnérables, etc.

En poursuivant malgré le désistement de la personne victime, le DPCP peut prévenir la récidive, protéger d’autres victimes potentielles et envoyer un message clair au grand public : ces crimes ne sont pas tolérés.

Quand la preuve repose uniquement sur la victime

Cela dit, dans certaines situations, la capacité d’agir des procureurs est plus limitée si la personne victime ne souhaite pas s’impliquer. C’est le cas notamment dans les causes de violence conjugale et de violence sexuelle, où le témoignage de la personne victime est souvent la seule preuve disponible. Sans la participation de cette dernière, il devient parfois impossible de satisfaire le fardeau de preuve imposé par le Code criminel.

Il peut toutefois arriver qu’un témoin indépendant accepte de témoigner devant la cour. Dans ce cas, le témoignage de la personne victime ne serait pas nécessaire.

Une justice au service de la collectivité

Naturellement, les procureurs du DPCP souhaitent établir une relation de confiance et de collaboration avec la personne victime. Cette collaboration est souvent essentielle au bon déroulement du processus judiciaire. Cependant, lorsque cela n’est pas possible, ils sont contraints de se positionner sur la poursuite du dossier. Ils ont la responsabilité de faire appliquer la loi de façon juste et équitable, dans l’intérêt de l’ensemble de la société. C’est pourquoi un dossier peut être mené jusqu’au procès – et parfois aboutir à une condamnation – même lorsque la personne victime refuse de participer ou choisit de soutenir l’accusé. Parce qu’au-delà des volontés individuelles, la justice vise aussi à protéger la collectivité.

Vous pourriez aussi aimer :